27 avril 2010

Célibataire émietté


J’étais célibataire depuis exactement 32 ans. Pour célébrer l’occasion, je m’étais fait un petit gâteau d’anniversaire : un Joe Louis avec cinq chandelles dessus (3 plus 2, ça fait cinq...) Je n’avais pas envie d’allumer 32 chandelles. De toute façon, ça n’entre pas sur un Joe Louis. Je me souviens de mon 29ème anniversaire. J’avais dû jeter mon Joe Louis aux poubelles tellement il avait été démoli par les vingt-neuf chandelles. D’ailleurs, je m’en étais pris un autre sur lequel j’avais posé onze chandelles (2 plus 9, ça fait onze...). Celui-là, je l’avais dévoré avec le sourire.

Le célibat ne me fait pas sourire. Je me rends bien compte qu’il manque une femme dans ma vie : il n’y a personne pour faire ma lessive et mes vêtements sont toujours sales ; il n’y a personne pour faire la vaisselle et mes comptoirs poisseux sont sur le point de moisir ; il y a des fils dans les fenêtres et j’ignore si ces fils sont ceux des araignées ou ceux des poussières ; il n’y a personne pour laver les draps et les miens sont huileux, pleins de miettes et de poils. 

Je sais que j’ai besoin d’une femme. Le soir de mon 32ème anniversaire, je l’ai perdu à chercher l’âme soeur dans un bar du centre-ville. J’ai tenté de séduire la fille du vestiaire : 

- Il vous plaît, mon manteau? Vous n’arrêtez pas de le caresser... Je vous le laisse! Mais n’allez pas trop vous frotter sur mes manches, coquine!

Je lui ai laissé un pourboire convenable et j’ai attaqué le bar. J’ai commandé une bière. Tout simplement. Mais il me semble que la serveuse me désirait. Il me semble l’avoir vue lécher le goulot de ma bière avant de me la servir. C’était pour elle une façon de m’embrasser indirectement. Je lui ai laissé savoir : 

- Mademoiselle, si vous voulez m’embrasser, faites-le directement sur ma bouche! Ne jouez pas aux timides!

Elle m’a repoussé. Et toute la soirée, je n’ai croisé que des femmes timides. Enfin, assise sur un tabouret au bar, une jeune fille soûle (dix-huit ans) qui louchait m’a fait de l’oeil. Elle n’a pas repoussé mes avances. Au contraire, elle m’a embrassé sans même que je le demande.

Elle a dormi dans mon lit. Moi, pendant ce temps, j’ai fini les boîtes de Joe Louis. Je ne voulais pas que la bonne nourriture se perde. Je croyais bien que mon célibat était terminé et j’ai eu grand plaisir à jeter les boîtes de gâteaux au recyclage. 

La petite endormie était belle, très jeune et mince. Si j’avais eu des amis, ceux-ci m’auraient terriblement envié. Ils l’auraient probablement droguée pour la violer. 

Ma petite s’est réveillée dans la matinée avec une gueule de bois. Elle appréciait le fait que je ne lui aie pas fait l’amour. Elle m’a remercié d’être aussi gentil. Je lui ai offert deux aspirines et elle m’a remercié de prendre soin d’elle. Elle m’a dit que je ne l’attirais pas physiquement, mais que personne n’avait jamais eu autant d’attention pour elle. Et que ça pesait dans la balance. Je n’ai rien compris à ce qu’elle racontait. Sa gueule de bois lui faisait dire n’importe quoi. J’ai dit :

- Prends tes aspirines! Il faut que tu sois en forme! Il y a beaucoup de vaisselle et je ne veux pas que rinces à moitié! Allez!

- Quoi? De la vaisselle...?

- Oui, et de la lessive, et des carreaux à nettoyer, et tout ce qu’une femme sait faire...

- Mais t’es fou ou quoi, je fais pas de ménage... Moi, mon truc, c’est baiser...

J’ai jeté un coup d’oeil aux assiettes sur mon comptoir. J’ai demandé :

- Il faut que je baise avec toi pour que tu fasses ma vaisselle? 

- Non. Même pas. Si je baise avec toi, c’est toi qui vient faire ma vaisselle...

Je me suis dit. Une femme, c’est deux fois plus de vaisselle. J’ai planté les 33 chandelles dans mon Joe Louis et j’ai mangé mes miettes.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

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