18 août 2007

Prune au front

Je remontais le village au loin de l’eau du fleuve pour ce qu’elle m’avait troublé de vertiges et de mouches folles qui cherchaient à me prendre les pas, étourdi que j’étais à marcher à l’envers en pensant qu’il faudrait que je t’écrive à l’endroit; je brisais l’écriture avec le son que ça faisait briser le cerveau des poissons et des algues qui remontaient jusqu’à ta mémoire avec la surdité qu’ils connaissent, te crier de ne pas partir et « ne pars pas, mère de tous les suicides ne pars pas, fille du village, les rues sont hautes et ne tiennent qu’au creux des verres que tu avales »!

Pleure!
Pleure!
Prune au front!

J’arrivais trop tard, inondation que tu étais passée par là avant moi, orphelin que j’étais à me perdre de beautés que je ne reverrais plus Verchères les arbres qui s’absentaient, cyprès qui se déchirait les racines à s’en mutiler la terre sale pour que je ne profite de rien, ni des oiseaux ni de tes seins vides qui m’assèchent la respiration, prunelle de ton œil massacré qui m’éteint le paysage jusqu’à toi!

Pleure!
Pleure!
Prune au front!

J’avais le ciel dans la gorge et les étoiles me bombardaient les tempes comme il fallait que je te trouve autrement que morte froide avec les lèvres bleues dures comme le plastique d’un bouchon de lavabo qui s’étouffe dans son cerne rouillé cerné jusqu’aux oreilles de l’adolescent suicidé dedans; le mal commençait à tourner dans les rayons de ma tête avec la peur que j’avais de devoir m’assassiner dans un coin avec la tête entre les mains pour le classique de Munch et de tout ce que les nuages recèlent de secret, de ne plus me connaître et que le rêve dans lequel je survis ne s’effondre avec moi dedans qui s’écrie qu’il est trop petit cet univers, et qu’il est trop grand le vide de ta gorge qui m’avale!

Pleure!
Pleure!
Et mes écailles ne craqueront pas!
Mouille-moi que je suis cru!

Il fallait que les étourdissements s’intensifient pour que le relief de ton front accidenté m’apparaisse de sang séché par le temps qui nous sépare et que les trous noirs me pendent au bout des doigts, sec comme j’étais à m’éloigner de ma peur de l’eau, il fallait que je survive à ce qui me manquait, que je remonte les lueurs de toi qui sortaient des draps de ta grossesse et que je boive tes vapeurs pour nager encore, aussi maladroitement que toi la maladroite à qui les envies sont plus fortes que le stress de voir son enfant remonter le fleuve, moribond que j’étais à quitter les eaux qui me nourrissaient dans le seul espoir de pouvoir mourir comme tu l’entends, maman mais s’il faut que tes larmes remplissent les océans depuis la fontaine de tes yeux, je me tiendrai aux rides de tes sécheresses et j’attendrai, j’attendrai que tu pleures! Que la respiration me revienne!

Pleure!
Pleure!
Et je ne mourrai pas de sang dans les draps!
Fausse couche de ma lie!
Et poisson cru que je suis!

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