14 novembre 2011

L'Escalier du manoir

Dans un manoir (appelez-le château si vous voulez, c’est vous le roi), un vieillard (qui pourrait être jeune si la jeunesse vous plaît davantage), avait du mal à monter l’escalier (ou à le descendre, tout dépendant de si vous considérez l’homme en haut ou en bas) qu’il avait fait construire pour son épouse (belle ou laide, selon votre style) dans les années trente (1830, 1930, 2030; selon que vous préférez les récits futuristes ou passés).



C’est non sans pleurer les années passées que le vieillard décida de faire détruire l’escalier où jadis il courait jusqu’à la chambre à coucher (ou la salle de bain, ou le garde-robe, enfin, les lieux où vous faites l’amour me sont inconnus) pour faire l’amour à sa femme. Au moment de la destruction de l’escalier (la destruction escalière, escalaire, ou tout autre mot que vous pourriez inventer pour le dire), il se rappela entre autres (ou alors il ne se rappela que de cette fois-là (je ne voudrais pas brusquer votre pudeur)) d’une nuit où il avait fait l’amour tant et tant que, le matin suivant, il avait dû rester coucher, incapable de bouger les jambes.



Voyant que son mari ne pouvait plus marcher, l’épouse avait téléphoné à un médecin (si, depuis le début de l’histoire, vous préférez un cheval et une jument plutôt qu’un homme et une femme, il faudrait dire vétérinaire). Le médecin (toubib et autres synonymes) n’avait rien prescrit au vieillard (et/ou placebo). Il n’avait rien pu faire, sinon conseiller à l’épouse de porter son mari chaque fois qu’il voulait descendre ou monter l’escalier du manoir. Étant donné l’âge respectable de l’épouse (80 ou 4 ans, selon votre respect), elle n’avait pas les muscles nécessaires pour porter un tel corps. Une seule fois (ou deux, ou trois fois), elle tenta de soulever le corps de son mari. Cette fois-là (ou ces fois-là), elle mourut des suites de ses déchirures musculaires.



Le vieillard (l’homme, l’époux, enfin, vous savez de qui je parle) décida de faire détruire l’escalier parce qu’il en avait marre, dit-il, de vivre sur le deuxième étage du manoir depuis la mort de son épouse. Il prétendait (et vous êtes libres de ne pas y croire) vouloir vivre sur le premier étage.



En réalité, secrètement (secret qui n’en est plus un puisque je vous en informe), le bonhomme ne souhaitait que le suicide. Il avait calculé que, en retirant l’escalier, le toit s’effondrerait sur le deuxième étage, qui lui s’effondrerait sur le premier. Il avait organisé sa mort de façon si précise qu’aucun ingénieur (pas même vous) n’aurait pu le soupçonner.



Dans la poussière de la déconstruction escalière, le vieillard poussa quelques mots (des mots que vous choisirez, ouch, boum, mon amour, ma chérie, mon oiseau et tous les noms que peuvent donner les maris à leurs épouses). Les démolisseurs comprirent qu’ils avaient, malgré eux, causer la mort d'un homme. Et vous, vous avez compris ce que vous vouliez comprendre.

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