14 novembre 2011

Les mitopemiânes

Au centre de la terre, vous avez du feu. Vous avez du feu, et aussi, des taupes. Vous avez des taupes qui creusent comme la terre est un bouclier sur leur museau. Votre feu les brûle, mais tout juste avant de mourir, vos taupes se reproduisent, créant une descendance qui mourra très jeune mais qui au fil des années s’adaptera à votre feu.

Je vous le jure qu’un jour il y aura vos taupes au centre de la terre. Ne pleurez pas. Ce jour arrivera. Ces taupes seront les vôtres. Elles tourneront sur elles-mêmes, cherchant dans votre feu autre chose qu’un fils ou un frère pour s’accoupler. Et le jour où elles tomberont sur mon bel âne poilu blanc, oui ce jour viendra.

Mon âne aura creusé votre feu avec ses sabots de bois. Par mégarde peut-être, il aura piétiné quelques-unes de vos taupes molles, mais grises dans la survie, il les fécondera, oh oui qu’il peuplera le centre de la terre d’organismes mi-âne mi-taupe. Cette sous-espèce, nous la créeront ensemble. Vous et moi. Je vous le jure que notre espèce perdurera jusqu’à la fin des temps, y compris la lune et tous les endroits célestes où il sera bien vu d’habiter, crinière et oxygène dans le futur. Vos taupes auront la crinière et les sabots qu’elles s’en serviront pour galoper de cratères, de lunaires, de mers et tout obstacle d’eau ou de terre que nous devrons inévitablement, éviter, sans quoi elles se noieront dans la marre que j’en ai de décrire les mouvements incessants de vos taupes. C’est clair, il me semble, que vos taupes n’existeraient pas sans mon âne : il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes, et toutes les expressions que je n’ai aucune idée d’à quoi ressemble ma vessie, lanterne ou lampadaire, que je n’ai jamais vu d’urine qui soit lumineuse ni éteinte.

Mon âne boira l’urine de vos taupes, et vos taupes de même l’urine de mon âne, la jolie affaire, que de s’entre-lichouiller le cratère des planètes que vous déciderez si nous sommes aptes à y vivre ou à y mourir. La jolie affaire, vous et moi, intelligences mélangées, sur une x planète, dans l’x futur, taupes et âne accouplés, animaux fétiches et jeux sexuels dont vous oubliez les règles au fur que je parle, sur la lune ou ailleurs, que je dis :

- La jolie affaire! Hein! Vos taupes! Surveillez-les! Que mon âne ne les piétine pas!

- Mes taupes? vous dîtes. Ce sont les vôtres! C’est moi qui ai l’âne!

- Non, moi j’ai l’âne! C’est mon âne à moi qui piétine! Vous, vous avez les taupes qui résistent au feu!

Il faut toujours que vous demandiez à l’âne ce qu’il en pense. Dès qu’une dispute éclate entre nous, incapables de régler ça à l’interne, vous faites interférer l’animal avec nous. Pourtant, vous devriez le savoir, que l’âne répète toujours la même chose :

- Je ne suis ni à l’un ni à l’autre, qu’il dit, je suis aux taupes depuis le jour où je les ai fécondées.

- Bouh! que je dis. Le lâche! Gros chanceux d’âne que je n’aie pas de peinture ni pinceau, que je n’hésiterais pas à te déposséder de ton statut d’âne en te faisant zèbre ou faisan zébré! Je rigolerais bien de te peindre sur le dos des attributs qui ne sont pas les tiens!

Mon vieil âne mourra, je le sais, en même temps que vos vieilles taupes, et ni plus vieux et ni plus jeune, au même temps exact que votre feu décidera que le temps calcine. Après toutes ces morts, on s’efforcera, vous et moi, de croire notre âne-premier mieux que nos mi-taupes mi-ânes nouvellement nées (que nous appellerons mitopemiânes pour faire plus simple).

Nos mitopemiânes ouvriront leurs yeux d’ânes, et creuseront avec leurs pattes de taupe, si bien qu’elles verront et creuseront plus creux que le centre de la terre.

- Plus creux que ça, vous jurerez, que c’est impossible. Il n’y a plus creux que le centre de la terre que le crâne d’un homme vis-à-vis d’un autre.

Vous, chaque fois que vous ouvrez la bouche, c’est pour dire quelque chose d’intelligent. Je vous déteste, que ça m’énerve de vous détester, royalement autant que justement, rois et toute forme d’abomination hiérarchique, entre vous et moi, les couronnes et le lala que je dis. Aussi curieux que paraisse le fait que je dise aussi curieux que paraisse, le fait est que si je devais me marier avec quelqu’un avant de mourir, au centre de la terre, ce serait avec vous.

Nos intelligences, l’une jumelée à l’autre, imaginez; la vôtre renforçant la mienne, la mienne atténuant la vôtre. Le mariage parfait d’un homme vis-à-vis d’un autre. Je saurais vous convaincre de vous laisser convaincre. Je vous ferais l’amour comme à des milliers de taupes, après quoi vous accoucheriez d’autres taupes qui, elles, sauraient galoper comme moi les cratères de grands champs d’ânes soudains réconciliés.

Je suis un âne, je vous le dis, pour peu que vous l’êtes aussi, il n’y a que moi qui puisse faire apparaître des ânes au centre d’où vous êtes. S’il le faut, je signerai mon nom sur le dos de mon âne prochain afin d’en être l’auteur, à jamais, vos mots liés aux miens, à jamais de l’âne et de la taupe; je l’énonce clairement, là, l’exacte douleur que vous refusez d’entendre, que votre intelligence équivaut la mienne, ni plus ni moins, y compris les taupes, y compris mon centre extérieur au vôtre, et votre centre centre d’un âne, et nos centres qui ne seront jamais, jamais centres, ni de vous ni de moi.

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