12 novembre 2010

Bibola

Monsieur Bibola, Frédéric de son prénom, était un homosexuel garçon aux cheveux noirs et assez épais (je parle de l’épaisseur de son corps, de sa chevelure et de son caractère ; les trois en même temps). Il n’aimait pas les femmes, mais seulement les gens qui avaient un anus, une bouche et un pénis, ce qui correspond assez bien à la description habituelle d’un garçon je trouve.

À trente-cinq ans, Bibola était le propriétaire d’Aphis, une boutique de bijoux sur la rue Galipond à Montréal. Les gens du même sexe que lui étaient la bienvenue à la boutique, mais les femmes, il leur empêchait l’entrée et les repoussait en disant qu’un vagin ça ne sert à rien : « C’est un trou de trop, voilà ce que c’est! » À mon avis, Bibola ne voulait pas d’enfants, parce que quiconque prévoit accoucher par le trou du cul réalise que, dans ces conditions-là, un vagin n’est pas « de trop ».

Bibola ne voulait peut-être pas d’enfants, mais il les adorait. Il adorait surtout les garçons de plus petite taille, c’est-à-dire ceux de sept à douze ans. Il disait qu’à cet âge-là, tout est plus petit, donc plus étroit. Quand Bibola poussait de toutes ses forces pour entrer son pénis dans l’anus d’un enfant de sept ans, il avait l’impression d’avoir un très gros pénis et cela lui plaisait beaucoup. De la même façon, lorsqu’il voyait son pénis dans la main minuscule de l’enfant, son membre lui paraissait gigantesque. Cela procurait une immense satisfaction au gros homosexuel qui riait alors d’un rire gras, fier de sa grosseur vis-à-vis de celle du jeune maigrichon. 

En quinze ans, Bibola a abusé sexuellement de trente-deux garçons, tous âgés entre sept et douze ans. Voilà comment il en abusait sans jamais se faire arrêter par la police : d’abord, les jeunes victimes se présentaient d’eux-mêmes à la boutique Aphis en disant vouloir acheter un bijou pour leur maman. Comme ils n’avaient jamais suffisamment de sous pour payer (lorsqu’ils avaient assez de sous, le propriétaire augmentait le prix du bijou), Bibola leur promettait qu’ils n’auraient rien à payer s’ils venaient l’aider à enlever son pantalon dans l’entrepôt. 

Neuf fois sur dix, les enfants acceptaient le deal. Il faut croire que les mamans aiment beaucoup les bijoux : leurs enfants sont prêts à faire n’importe quoi pour leur en offrir à leur anniversaire. Bibola se retrouvait donc sans pantalon devant l’enfant et, rendu là, il feignait l’inquiétude : « On dirait que mes fesses ne sont pas comme d’habitude, peux-tu vérifier? » Il demandait à l’enfant de jouer un peu dans son anus et d’y entrer un doigt et, l’air toujours aussi anxieux à propos de sa santé, il suppliait l’enfant de le laisser comparer son trou de cul avec le sien. C’est là que Bibola reniflait l’anus du petit et qu’il y entrait parfois la langue, parfois le pénis, tout dépendant de l’innocence de l’enfant. 

À la fin du jeu sexuel, l’enfant sortait de la boutique avec le sourire aux lèvres, ignorant l’impact de ces nouveaux souvenirs dégueulasses que Bibola avait dissimulés sous le poids d’un bijou qui vaut cher.

***

Puis un jour, à la boutique, est arrivée Cignalée Newman, une femme que je ne trouve pas super intelligente mais qui avait réussi à élever un enfant qui semblait très bien élevé parce qu’elle l’habillait très serré dans un petit uniforme chic qu’on aurait dit un étudiant en finances. 

- Salut mon gros, qu’elle a dit à Bibola. Tu ne retournes pas mes appels alors je viens te voir directement. 

Le gros gras hétérophobe a été effrayé à la vue de cette femme qu’il prenait pour une hallucination :

- Je te croyais déménagée en Chine, avec ton Chinois...! Tu es revenue?! 

- Je suis venue te montrer ton fils, Médéric, qu’elle a dit en souriant au petit garçon en uniforme. Tu n’as pas toujours été homosexuel, Frédéric, tu m’as déjà dit je t’aime, et tu m’as déjà fait l’amour...

- C’était une erreur! qu’il a crié comme une femme. J’ai réorienté ma vie sexuelle et c’est mieux comme ça... 

- Tu te trouves normal? Tu n’as jamais pensé que la nature avait créé les hommes et les femmes pour qu’ils puissent se reproduire, et que toi, tu empêches tout ça?! 

- J’y ai pensé, mais...

- Non tu n’y as pas pensé. Tu as dévié. Tu es un dévié. L’homosexualité, c’est une erreur de la nature.

Bon, dire ça ou dire que le vagin est un trou de trop... La conversation a duré extrêmement longtemps et ce n’était pas très intéressant, parce que elle, elle n’est pas intelligente, et lui il est con. Je vous raconte l’histoire comme elle est, le plus justement possible, mais si j’étais un narrateur un tantinet plus courageux, je vous les ferais tuer sur-le-champ grâce à une bombe atomique inventée, et nous aurions la paix. Mais leurs dialogues continuaient. Elle a dit :

- Je fais du composte moi pour préserver l’espèce humaine! Mais ça ne donne rien si, de leur côté, les homosexuels ne respectent pas la nature! Si tout le monde était comme toi Frédéric, il n’y aurait plus d’enfants et l’espèce humaine n’existerait plus! 

- Et si tout le monde était comme toi, qu’il a répondu, il n’y aurait pas plus d’enfants parce que personne ne voudrait se reproduire avec une fêlée comme toi!

À vrai dire, si j’étais un très bon narrateur, je ferais en sorte qu’ils s’entretuent. Avec des couteaux ou des bijoux coupants. Et là, vraiment, on aurait la paix. De mon point de vue, le problème, c’est que je ne suis aucunement impliqué dans cette histoire. Je ne connais aucun Bibola. À mes yeux, ce n’est même pas un nom de famille. On dirait plutôt un mélange entre Bilbo le hobbit et Rocky Balboa. Quant à Cignalée, je suppose qu’elle se prénomme de cette façon parce qu’elle est venue « signaler » son homophobie. Franchement, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je trouve que cette histoire manque de subtilités. 

***

Cignalée a arrêté de signaler son désarroi. Elle a cessé de parler et a décidé de remettre son fils entre les mains de Bibola pour l’après-midi. De toute façon, elle n’était pas venue à la boutique pour argumenter, mais plutôt parce qu’elle avait senti que son fils avait besoin de connaître son père. Elle les a donc laissés seuls ensemble dans la boutique pendant qu’elle, elle faisait du shopping dans une autre boutique dans le but de trouver une chemise blanche pour son mari chinois très gauche qui salit toujours ses chemises en préparant de la sauce pour spaghettis. 

- C’est bientôt l’anniversaire de ta mère, Médéric, a dit Bibola à celui qui vient tout juste d’être nommé

- Pas vraiment... c’est dans longtemps encore... que le petit a répondu.

- Il faut se prendre d’avance! Regarde ce bijou-là. Il est beau hein? Tu crois que ta mère l’aimerait? 

- Oui.

- Tu pourrais l’acheter et lui offrir pour son anniversaire. Je suis sûr qu’elle serait très, très contente! 

- Je n’ai pas assez de sous.

- Ah ça... ça peut s’arranger...

Et comme il l’avait toujours fait aux autres enfants, Bibola a attiré son propre fils vers l’entrepôt où, en échange d’un bijou, il l’a obligé à le dévêtir. Médéric vivait ce que trente-deux autres jeunes garçons avaient vécus : défaire la ceinture de Bibola, déboutonner son pantalon, vérifier avec le doigt si l’anus semble normal. Puis, Bibola n’a pas perdu de temps : 

- Laisse-moi comparer tes fesses avec les miennes Médéric. Tu me laisses voir? Ça m’inquiète beaucoup... Enlève ton pantalon s’il te laît. Fais ça pour ton papa.

Médéric a évidemment exécuté les ordres de son père. Il n’avait pas le choix, surtout qu’il avait juré à sa mère d’être sage et de tout faire en son possible pour être gentil devant son père.

Mais quand Frédéric Bibola, pédophile d’expérience, s’est agenouillé tout près des fesses de son fils, prêt à lécher le trou qu’il y avait, il a été pris de panique en voyant que son fils n’avait aucun trou là où tous les autres en avaient un : son fils n’avait pas d’anus. 

Aussi vite que si la police l’avait surpris, il a remonté le pantalon de Médéric et s’est efforcé d’oublier ce qu’il venait de voir. Il s’est bien efforcé d’oublier l’image de l’anus inexistant de son fils, mais jamais il n’y est parvenu. Il est ressorti de l’arrière-boutique tout traumatisé. Au même moment, un homme est entré acheter un parfum, accompagné de son fils :

- Avez-vous le parfum qu’ils annoncent à la télé? C’est fait par un couturier je crois...

- Je ne vends pas de parfum, a dit Bibola. Allez voir à côté.

Le pédophile s’est assis à son comptoir et, sans trop savoir pourquoi, s’est mis à empêcher tous les clients d’entrer : 

- Je ne vends pas de boucles d’oreilles, disait-il ; non, je ne vends ni bracelets, ni colliers! ; non je ne vends pas de bagues! Sortez d’ici!

Jusqu’à ce qu’enfin Cignalée revienne chercher son fils et qu’il ferme la boutique. Bibola ne savait pas s’il irait travailler le lendemain (mais moi je sais qu’il n’y est pas allé le lendemain), mais il savait que ce n’était maintenant qu’une question de temps avant que sa boutique fasse faillite. 

C’est dommage que l’histoire doive se terminer maintenant, car c’est à ce moment-là (à la toute fin), que Bibola commençait à avoir un peu d’humanité. Il avait décidé qu’il voulait se rapprocher de son fils, cette fois non pas en lui reniflant le derrière pour du sexe, mais simplement pour créer avec lui un lien plus « normal ». Ce soir-là, en barrant les portes d’Aphis, il a proposé à Cignalée d’aller au restaurant tous les trois. Mais elle a décliné l’invitation en disant : 

- Je ne peux pas. Médéric doit se coucher tôt. Il a rendez-vous demain matin chez le médecin. Il a un problème au niveau du postérieur... Ce n’est rien de grave tu sais, parfois, ce n’est pas tant un problème de santé, mais la nature qui se protège, tout simplement...

Le pauvre salaud de Bibola avait les yeux tout écarquillés en entendant cela. Peu de temps après, sa boutique a fait faillite et aujourd’hui, un Mexicain l’a achetée pour y vendre des ceintures et des objets en cuir. Bibola n’a plus jamais touché à un enfant, ni même à un anus adulte. C’est bête, mais il n’a plus jamais eu d’activité sexuelle. Enfin, aux dernières nouvelles, on dit qu’il est tombé amoureux d’une fille qui ressemble très beaucoup à un garçon mais qui, au lieu du pénis, a un trou de trop.

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