21 février 2009

Tu n'as jamais lu de texte meilleur que celui-là



I

Tu es devant ton ordinateur et tu t’apprêtes à lire le nouveau texte de William Drouin. Tu as lu d’autres textes du même auteur, mais tu te souviens plus précisément d’un texte qui avait su te faire rire. Tu te demandes si celui-ci aura le même effet. Tout ce que tu peux dire, à présent, c’est que le narrateur semble te parler directement. Mais tu refuses de croire qu’il puisse te parler à toi exactement, car il ne t’a jamais nommé.

Tu avais du temps devant toi, alors tu as commencé la lecture de ce texte dont le titre avait piqué ta curiosité. Tu as d’abord fait défiler le texte rapidement pour connaître sa longueur. As-tu beaucoup de temps devant toi? Tu es une personne occupée. Tu penses à ce que tu devrais faire au lieu de lire ce texte. Dormir, peut-être... Tu manques de sommeil. Tu le sais. Tu devrais faire une sieste. Tu le dis souvent, mais tu le fais rarement.

Tu es sur ta chaise, devant ton ordinateur. Tu as pensé à ton lit parce que tu as lu le mot dormir, et maintenant, tu te demandes si tu es réellement confortable sur cette chaise. Tu pourrais garder ton dos appuyé contre le dossier, mais cette posture éloigne tes yeux de l’écran. Tu pourrais te rapprocher de l’écran, mais tu détestes avoir le dos courbé. Cela dit, tu es absolument libre d’adopter la position qui te plaît. De même que tu es libre de lire cela ou de ne pas lire cela. Et cette liberté te fait soudainement sourire.

II

Tu t’es rendu sur le blog de William Drouin après avoir vérifié tes messages sur Facebook. Tu espérais qu’il y ait du nouveau. Une invitation, un spectacle. Quelqu’un d’intéressant aurait pu t’écrire. T’inviter à sortir. Ta meilleure amie aurait pu t’annoncer qu’elle a quitté son petit ami. Ou mieux encore, un ami d’enfance que tu n’avais pas revu depuis le primaire aurait pu te contacter. Et cet ami d’enfance aurait pu être ton âme-soeur. Tu aurais pu être sympathique et répondre à son message. Il aurait pu te récrire, te raconter que l’amour c’est de la merde, mais qu’avec toi c’est différent, et que c’est pour ça qu’il a imprimé tes photos et qu’il les a collées sur tous les murs de sa chambre.

Mais non, rien de tout cela n’est arrivé. Personne ne t’a écrit. Tu te dis que tu détestes Facebook et que tu devrais cesser d’y aller. De même que tu devrais supprimer ton adresse e-mail. Couper tout contact avec la société. Partir en forêt. Voyager pendant un mois ou deux. Mais tu ne le fais pas. Tu le dis, mais tu ne le fais pas. Et tu penses à toutes ces choses que tu as dites mais que tu n’as jamais faites. 

Tu es devant ton ordinateur et tu réalises que l’écran aurait besoin d’être lavé. Et tu le réalises parce que tu as lu que tu le réalisais. Quand as-tu lavé le clavier et l’écran pour la dernière fois? Tu ne t’en souviens pas. C’est signe qu’il serait temps de le faire. Mais tu ne le feras pas avant d’avoir terminé ta lecture. Tu remets alors la corvée à plus tard. Comme tu le fais toujours d’ailleurs. Et tu sais très bien qu’après avoir lu ce texte, tu ne laveras pas ton écran. Tu n’as tout simplement pas envie de le faire.

III

Tu ne comprends toujours pas en quoi le titre de ce texte est représentatif de ce que tu lis. Tu n’es pas convaincue que ce texte puisse être le meilleur que tu aies lu. Tu es sceptique et tu as raison de l’être. Tu as lu plusieurs livres avant de t’attaquer à ce texte. Tu connais plusieurs auteurs très connus, dont St-Exupéry, Camus, Sartre, Nothomb... ainsi que l’auteur de L’accro du shopping dont tu as oublié le nom. Tu as entendu parler de Balzac, Flaubert, Proust, et tu ne vois pas comment ce texte pourrait surpasser ceux-là. Tu te dis qu’avec ce titre, l’auteur ne manque pas de culot. Et tu dis cela parce que tu as lu que tu te disais cela.

Tu te dis que tu pourrais toi-même écrire un texte qui porterait le même titre. Le tien serait totalement différent. Et peut-être meilleur que celui-là. Tu dis que tu le feras. Tu en écriras un. Tu le dis, mais tu ne le fais pas. Tu ne sais pas quoi écrire. Tu n’as pas d’idées. Tu manques d’inspiration. Et parfois, tu dis carrément n’avoir aucun talent pour l’écriture. Mais tu gardes le moral. Tu te trouves un autre talent. Tu ne chantes pas si mal. Et tu sais dessiner. 

Tu te dis aussi que si tu es le personnage principal de ce texte, ça doit être parce qu’il y a chez toi quelque chose d’intéressant. Et d’une certaine façon, sans toi, il n’y aurait pas de texte. Tu es donc indispensable. Tu es flattée de lire cela. Et tu es flattée parce que tu viens de lire que tu l’étais, mais aussi parce que tu l’es vraiment.

Cela te rend heureuse. Tu es heureuse. En tout cas, tu as lu que tu l’étais - ou que tu devrais l’être. Et tu tentes de l’être. Mais quand tu l’es, tu souhaites toujours l’être davantage. Tu te dis alors que tu pourrais faire jouer la chanson que tu ne cesses d’écouter ces temps-ci. Cette chanson te rend un peu plus heureuse chaque fois que tu l’écoutes. Tu interromps alors ta lecture pour double-cliquer sur le titre de la chanson que tu aimes.

IV

Tu poursuis ta lecture, mais tu as déjà hâte au deuxième couplet. Tu aimes particulièrement ce couplet. Et si tu l’aimes, c’est parce que tu aimes chanter par-dessus. Mais c’est aussi parce que, lorsque tu l’écoutes, tu penses à une personne que tu aimes, et cela te rend doublement heureuse. Tu essaies d’oublier le fait que cette personne ne t’a pas écrit sur Facebook. Tu aurais aimé un mot de sa part. Tu pourrais être triste de ne pas en avoir reçu, mais le texte que tu lis parvient à te divertir suffisamment pour ne plus y penser. Tu te dis alors que tu devrais en remercier l’auteur. Tu pourrais lui laisser un commentaire : Merci de m’avoir changer les idées.

Voilà. Tu laisseras un commentaire. Tu veux le faire. Tu dis que tu le feras. Mais tu ne le fais pas. Tu préfères le faire une fois que tu auras lu texte en entier.

Si tu sentais ce matin que tu allais nous faire une petite dépression, cette dépression s’est complètement dissipée. Tu es loin de la crise. Tu ne paniqueras pas aujourd’hui. Tu ne pleureras pas. Et tu t’en réjouis. Tu penses aux fois où tu as beaucoup pleuré. Tu y penses parce que tu as lu que tu y pensais. Mais pourquoi avais-tu pleuré? Tu ne t’en souviens pas. Et puis, oui, ça te revient. Tu étais triste. Voilà. C’est tout. Tu n’as pas envie d’en parler davantage. 

Tu te dis parfois qu’il te faudrait parler davantage des peines que tu as vécues : cette journée où tu es restée sans voix, humiliée devant telle personne ; cette fois où ta meilleure amie t’a laissé tombé pour de bon ; toutes ces petites fois désagréables où ça n’allait pas entre papa et maman. Mais tu ne le fais pas. Tu fais comme si ces choses n’avaient jamais existé. Parfois, tu as peur que toutes ces émotions refoulées se changent en folie. On t’enfermerait. Et tu n’aimes pas être enfermée. Puis tu te compares à d’autres. Et tu te consoles.

De toute façon, aujourd’hui, ta peine te semble absurde. Tu ne veux pas y penser. Tu te dis que ta peine n’intéresse personne. Ça peut intéresser tes meilleurs amis, peut-être, mais tu ne vois pas l’intérêt de raconter à n’importe qui les pires histoires qui te soient arrivées. Tu les a déjà racontées, une fois ou deux, mais il te paraît inutile de les répéter chaque fois que tu fais une nouvelle rencontre. Tu préfères faire semblant que tu as toujours plus ou moins tout contrôlé. Que les obstacles que tu as surmontés, ils n’ont existé que pour faire de toi la personne mature que tu es.

Tu lis cette description en te demandant si elle te convient, ou si l’auteur a tout faux. Tu sais pourtant que ce texte n’a pas été écrit spécialement pour toi. Tu n’es pas naïve. Mais tu serais ravie que l’auteur ait écrit ce texte spécialement pour toi. Tu aimerais y croire. Mais tu es incapable d’y croire.

Es-tu certaine que l’auteur n’a pas écrit tout cela en pensant à toi? Peut-être t’a-t-il récemment croisée, et d’un bref regard, a-t-il su capter ce que tu voulais lire? Il s’est inspiré de ce qu’il savait de ta vie, et il a construit ce texte. Un texte qui te plaît beaucoup, mais dans lequel une phrase te tracasse toujours : « Tu le dis, mais tu ne le fais pas. » Pourquoi l’auteur répète-t-il si souvent que tu ne fais pas ce que tu dis? Tu ne lui as pourtant jamais fait de promesses...

Tu détestes quand les gens s’en prennent ainsi à toi sans raison. Tu es très bien capable de faire ce que tu dis. Quand tu dis que tu feras quelque chose, c’est parce que tu as l’intention de le faire! Allons donc! Tu ne mens pas! Tu n’es pas hypocrite! Et l’expression « Grand parleur - p’tit faiseur », ça ne colle pas à ta personnalité. 

Tu te dis alors que tu pourrais écrire un commentaire qui exprimerait ton mécontentement : Au début, je m’identifiais vraiment à ton personnage... Mais à la fin, t’as tout gâché avec ta phrase que tu répètes tout le temps. C’est décevant... tu me connais très mal! 

Et puis non, tu n’écris rien. Tu ne le fais pas. Tu le dis, mais tu ne le fais pas.

Tu n’arrives pas à croire que l’auteur puisse répéter encore cette stupide phrase. Tu l’as si souvent lue qu’elle ne te fait ni chaud ni froid. Et puis tu te dis que l’auteur se moque de toi. Et ça ne t’étonne pas. Il adore se moquer de ses lecteurs.

V

Tu sais que la fin du texte approche. Et ton regard se braque sur le lien par lequel on laisse un commentaire à l’auteur. Tu ne sais toujours pas quel commentaire laisser. Si tu devais en laisser un, ça ne serait rien de bien méchant. Tu comprends sa moquerie. Mais tu aimerais lui faire savoir que toi aussi, tu es capable de te moquer.

Tous les commentaires qui te viennent à l’esprit sont soit trop ridicules, soit trop sérieux. Tu en cherches un qui soit parfait. Tu te dis que tu manques encore d’inspiration et que, décidément, tu n’as aucun talent pour l’écriture. 

Et puis ça y est. Eurêka. Tu as trouvé quelque chose. C’est comme si l’auteur lui-même t’avait aidé à trouver ton commentaire. Tu te dis que tu lui écriras : Je n’ai jamais lu de texte meilleur que celui-là! 

Tu te dis que tu le feras. Et tu le feras.

5 commentaires:

Plume a dit...

très malin.

Anonyme a dit...

un vrai marrant marin :) xxx...

Anonyme a dit...

:D trop bien ton texte! trop bien!
par contre je pense que on peu voir ici un auteur qui veut des commentaires à tout prix...il va même jusqu'à les réclamer! loll

William Drouin a dit...

trop bien ton commentaire! trop bien!

Anonyme a dit...

Bonjorno, william-drouin.blogspot.com!
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