5 février 2009

L'âme soeur





Je n’écris pas d’histoires. C’est probablement pour cette raison que ma femme m’a laissé. Je ne suis pas brillant. Je ne suis pas génial. Ni même intellectuel. Ni même lecteur. À vrai dire, je ne sais que copier. Ce texte n’est rien d’autre qu’une copie d’un autre texte que j’ai lu sur Internet. Il n’en tient qu’à vous d’utiliser le verso de cette page pour y dresser votre liste d’épicerie ou pour y dessiner n’importe quel gribouillis. Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas lire ce qui suit...

Bon. Il est possible que vous vous obstiniez quand même à poursuivre votre lecture. Si c’est le cas, je n’ai pas intérêt à vous faire patienter davantage. Voici les quatre raisons pour lesquelles vous vous entêteriez à lire ceci : 1- vous êtes particulièrement impatients de connaître de quoi ce texte parlera ; 2- vous êtes obligés de lire ce texte ; 3- vous lisez absolument tout ce qui existe ; 4- vous m’aimez d’un amour comme il ne s’en fait plus.

Si vous lisez ceci parce que vous êtes particulièrement impatients de connaître de quoi ce texte parlera, cela implique deux choses : soit vous êtes curieux de savoir si l’histoire racontée sera bonne, soit vous êtes curieux de savoir si je suis un auteur génial. Si vous êtes curieux de savoir si l’histoire sera bonne, vous avez probablement arrêté votre lecture à la première phrase du texte, celle-là où je dis que je n’écris pas d’histoires. Je vous dis donc au revoir, à vous qui ne me lisez plus. Même si c’est inutile puisque vous n’êtes plus là.

Si vous vous entêtez encore à lire, c’est peut-être que vous êtes curieux de savoir si je suis un auteur génial. Cela implique donc que vous n’avez pas lu le premier paragraphe du texte (premier paragraphe où, clairement, je dis ne pas être génial) et cela prouve que vous avez débuté votre lecture par le deuxième, troisième ou quatrième paragraphe (chose étrange que je ne fais jamais, mais aussi je ne lis jamais alors : je suppose qu’il est possible que les lecteurs débutent parfois par un autre paragraphe que le premier). Cela étant dit, je vous suggère de retourner au premier paragraphe et de cesser votre lecture après avoir réalisé que je ne suis pas génial.

À ceux qui lisent ceci parce qu’ils y sont obligés, je dis que vous ne l’êtes plus. J’ignore les motifs qui vous poussent à lire par obligation, mais celle-ci est désormais levée. Croyez simplement mon autorité plus grande que celle de vos dirigeants, de votre professeur, de votre mère ou de vos amis, et allez jouer dehors. Personne ne vous en voudra. 

Enfin, si vous lisez ceci parce que vous lisez absolument tout ce qui existe, alors c’est soit vous aimez lire de nouvelles choses, soit vous aimez lire des textes que vous avez déjà lus. Dans un cas comme dans l’autre, vous devriez arrêter votre lecture : j’ai dit d’emblée que ce texte n’était qu’une copie d’un autre texte. Allez plutôt lire l’original. Il est facile à trouver sur Internet.

Si vous entamez ce septième paragraphe, c’est donc que vous vous foutez bien de connaître de quoi ce texte parlera, car ceux qui cherchaient à savoir si l’histoire allait être bonne (tout comme ceux qui étaient curieux de savoir si j’étais un auteur génial) ont cessé de lire. Ceux qui étaient obligés de lire sont partis jouer dehors. Ceux qui aimaient lire sont partis, à mon grand bonheur, chercher le texte original. Il ne reste que vous. Vous qui m’aimez d’un amour comme il ne s’en fait plus. Et si vous persistez à lire, c’est que vous persistez à dire que vous m’aimez et dans ce cas : soit vous m’aimez véritablement, soit vous êtes menteurs.

J’ai pourtant dit, dans le deuxième paragraphe, que je n’avais pas intérêt à vous faire patienter. Mais je n’ai pas cessé de vous faire patienter. Donc, si vous m’aimez toujours, c’est que vous aimez perdre votre temps. Mais les menteurs n’aiment pas perdre leur temps. S’ils mentent, c’est plutôt pour gagner du temps. Ainsi, vous qui me lisez à présent n’êtes pas menteurs. Et si vous n’êtes pas menteurs, c’est que vous m’aimez véritablement. 

Les lecteurs tombent comme des mouches. Vous êtes maintenant peu nombreux à me lire. Si vous êtes encore là, c’est assurément parce que vous me voulez moi. Et vous ne pouvez douter de mon amour pour vous (si vous en doutez, allez relire la troisième ligne du deuxième paragraphe, mais tâchez de revenir vite poursuivre votre lecture).

Je vous imagine remonter le texte jusqu’au deuxième paragraphe. J’imagine vos yeux qui cherchent. Ceux qui à présent me lisent m’aiment... Et j’aime ceux qui me lisent à présent...

Je vous aime parce que j’aime ceux qui ne me ressemblent pas. Vous, vous aimez perdre votre temps à lire ce que j’écris. Moi, je déteste perdre mon temps à écrire ce que j’écris. Vous, vous êtes brillants. Moi, je ne suis pas brillant. Si vous l’ignoriez, ce n’est pas la peine de retourner au premier paragraphe... Je préfère que vous cessiez immédiatement de lire, car si vous l’ignoriez, c’est que vous êtes ignares. Et si vous êtes ignares, c’est que vous n’êtes pas vraiment brillants et donc je ne vous aime pas. Et je n’aime pas que ceux que je ne m’aime pas me lisent trop longtemps.

Tous ceux qui me lisent à présent m’aiment de la façon que je veux qu’ils m’aiment. Les moins brillants d’entre vous se sont sentis offusqués lors de mes derniers propos. Offusqués, ils sont partis. Ils n’ont pas aimé que je les traite d’ignares. Quelques ignares doivent être restés malgré tout (je les salue). Je parviendrai certainement à les aimer puisque, après tout, il faut à quelque part qu’ils aient été assez brillants pour refuser l’autorité dont j’ai fait preuve. Je n’aurais su agir aussi brillamment qu’eux, aussi je ne peux les comparer à moi-même : je ne lis jamais.

À présent, vous lecteurs êtes tous de brillants véritables amoureux de moi. Ou à peu près. C’est réciproque. Mais il faut encore vous départir. Qui sont les filles? Qui sont les gars? Je veux trouver le lecteur idéal. Le lecteur modèle. Et s’il était modèle, ce lecteur serait assurément lectrice. Voyons voir. Vous êtes peu nombreuses à me lire... Si peu nombreuses que je n’hésiterais pas à vous tutoyer.

Tous les autres lecteurs qui ont cessé de lire au premier chapitre ou après sont jaloux de toi... Cela te rend heureuse. Tu m’aimes. Mais qui es-tu? Je me vois mal te demander ton nom. Tout ce que je sais de toi, c’est que tu ne me ressembles pas. Je sais aussi que je t’aime parce que tu ne me ressembles pas. Tu écris des histoires. Tu es brillante. Tu es géniale. Tu es intellectuelle. Tu es lectrice. Tu es mon âme soeur. Ne le prends pas mal. Ce n’est pas pour t’effrayer... Mais tu es la seule qui puisse me lire jusqu’au bout. 

Je te laisserai mes coordonnées à la toute fin du texte. Tu pourras m’appeler. Je t’inviterai à dîner chez moi. Nous lirons ce texte ensemble, en se rappelant que c’est grâce à lui si nous nous sommes rencontrés. Tu m’avoueras que tu n’aimais pas trop la fin du texte. Je te répondrai que ce texte est une copie d’un autre texte. Ce n’est pas ma faute si tu ne l’aimes pas. C’est la faute du texte que j’ai lu. Et je t’avouerai que si j’ai lu le texte que j’ai copié, c’est probablement parce que je suis lecteur. Et tu me diras que, dès les premières lignes, je t’avais pourtant dis que je n’étais pas lecteur. Mais j’ajouterai que je t’avais aussi dit que je n’aimais pas perdre mon temps. Et tu aurais dû savoir que ceux qui n’aiment pas perdre leur temps sont souvent menteurs. 

Tes yeux se prépareront au pire. Je te dirai que tu aurais dû te méfier de mes raisonnements depuis le début. Ils prouvent bien une chose. Je suis intellectuel. J’aime faire des déductions. Je n’aime pas écrire d’histoires. 

Tu voudras retourner chez toi. Tout de même, j’aurai réussi à te faire venir chez moi. J’en retirerai une certaine fierté. Je dirai que je suis génial. Je dirai que je suis brillant. Je t’avouerai que ce texte est de moi : je l’ai copié sur Internet, oui, mais c’est moi qui l’avais mis sur Internet. À l’époque, je l’avais écrit pour ma femme. D’ailleurs, elle m’a laissé peu de temps après l’avoir lu.

Avec toi, c’est différent. Depuis que tu lis mon texte, il ressemble de plus en plus à une histoire. Une histoire d’amour où le gars s’amuse à briser l’espoir de son âme soeur. Et j’adore ça. J’adore raconter des histoires.

7 commentaires:

Plume a dit...

Haha t'es trop génial, je t'aime.

William Drouin a dit...

le texte est pas encore tout à fait au point... mais merci si je t'aime oh si

Anonyme a dit...

intéressant...

William Drouin a dit...

intéressant-trois-petits-points? rien que ça? commentaire «intéressant...»
c'est qui obéline... la soeur d'obélix... une image me vient en tête :)
sans rancune, inconnue.

Anonyme a dit...

Ne t'arrête jamais d'écrire.

Anonyme a dit...

trop bien will! J'aime!

William Drouin a dit...

lol.... merci charlie :)