18 février 2007

Mon québec entre deux stores

Mon québec c’est une réglisse molle, rouge ou noire on s’en fout pour autant qu’elle se plie; c’est un laboratoire pour tester l’impact des erreurs politiques, c’est comme en alaska on teste le garochage de bombes atomiques, c’est comme bush nous paie pour voir à quoi ça ressemble un genre de pays pas-pays pas d’allure, c’est comme parler le vieux français exprès pour que les européens nous checkent avec des jumelles : « ayoye t’as-tu vu les habitants de là-bas y parlent en préhistorique, hey eux autes je me demande si y vont souvent au groenland ».

Non. On va jamais au groenland. C’est comme les territoires du nord-ouest. C’est pas à nous. On a pas besoin de l’hiver des autres pour geler pour le vrai.

Indiens avec pas de plumes sur la tête, c’est qu’on est un genre de plaque de glace dans le saint-laurent, une minorité invisible que les autres nous prennent pour des sauvages gentils aux couleurs polies, de rouge noir jaune vert mais jamais blanc, le blanc c’est réservé à l’europe. On a beau leur dire qu’on a du blanc sur notre drapeau à nous aussi, ils rigolent de nous.

On est des indiens qui voyagent des fois, pas trop souvent. Mais quand on voyage, c’est toujours pour aller super loin : ceux de montréal vont pas à québec, ceux de québec vont pas en gaspésie, ceux de gaspésie vont pas à trois-rivières, ceux de trois-rivières vont pas à beloeil, ceux de beloeil vont pas à laval, ceux de laval vont pas à longueuil, ceux de longueuil vont pas à gatineau, ceux de gatineau vont pas à chibougamau, ceux de chibougamau vont pas en abitibi, ceux d’abitibi vont pas à montréal, la boucle est bouclée mais tout le monde décolle pour paris, en même temps, à la même heure, dans le même avion, un à côté de l’autre.

Ça fait qu’on est trois millions à s’imaginer trois millions de pays imaginaires d’imaginaires différents, d’ailleurs d’aussi loin qu’on peut s'imaginer. Trois millions d’imaginaires à s’imaginer rêver de se fiancer à paris, d’essayer de savoir de où c’est qu’on va manger pour le souper sauf, l’imaginaire, ça traverse jamais jusqu’à chez le voisin.

Mon québec c’est une réglisse molle, rouge ou noire on s’en fout pour autant qu’elle se plie; c’est un champ de maïs avec des races dessus, c’est comme on leur donne à manger mais on voudrait leur imposer de comment mastiquer, avec pas trop de babines, avec pas trop de dents écartées : on aurait l’air de quoi si les voisins nous voyaient manger au travers de leur store?

Nos doigts ils ouvrent les lignes du store : « ah, le canada nous envoie encore des musulmans parce que les musulmans votent pour fédéral! ». On s’espionne avec des yeux de bambis effrayés dans le fond du bois éclairé par une camionnette dans le fond, on est jamais sortis de nos crises d’existences. Je me souviens le taux de suicide, les dépressions nerveuses pour tous les nerveux qui sont nerveux d’être nerveux… à bout.

On a des poètes qui nous disent c’est quoi que le monde serait supposé avoir l’air de. Ils nous écrivent ça avec plein d’images fortes qu’on est impressionnés parce qu’on se rend pas compte qu’ils font juste exactement comme à la télé : des images fortes. Ça chiale sur la tv parce que contemporains frustrés d’être influencés sauf que, quand c’est fencé sur une feuille de papier, ça a de l’air de plus en plus vrai.

On a des scientifiques qui nous disent c’est quoi que le monde serait supposé avoir l’air de. Les hippies embarquent là-dedans pour faire matures comme les autres avec la planète même si darwin est mort coincé entre deux carapaces de tortues, à l’agonie juste avant de crever, à bout de souffle il avait compris l’origine de tout ça : « on vient d’un croisement d’algues et de poissons surdoués à qui les pattes leur ont poussé, après quoi ils se sont pris des reptiles de qui on a eu le chat de qui on a eu le cheval et la girafe, et de la girafe au singe par quelques poux bouffés et pouces pliés, par adaptation ou sélection, sélection par laquelle j’invente des termes technos parce que bon, dieu a pas trop rapport avec les carapaces des tortues ».

On a julie snyder qui nous dit c’est quoi que le monde serait supposé avoir l’air de. De faire semblant d’être tous seuls jusqu’à temps qu’on nous demande à sortir, dire qu’on pleure souvent même si on se donne l’accent de paris pour faire sérieux au cas où paris viendrait à nous aussi; pareil que nelly arcand au fin fond du québec, on sacre toujours.

Mon québec c’est une réglisse molle, rouge ou noire on s’en fout pour autant qu’elle se plie; c’est une répétition qu’on aime répéter les référendums, c’est comme on est immunisés contre la défaite tellement on l’a eue qu’on a le vaccin contre; on pourrait vendre ce vaccin-là mais pour une fois qu’on a une richesse qui donne le power aux pharmacies, on fera pas exprès d’exporter.

C’est des politiciens qu’on trouve super cons mais qu’on fait rien, c’est comme on dit le gouvernement il pense pas correct comparé aux philosophes alors on veut le pendre, mais on a des tonnes de philosophes qui meurent dans l’ombre; c’est qu’on est trop bêtes pour obliger le gouvernement à s’associer à des penseurs qui savent penser, c’est qu’on y avait juste pas pensé.

Zombies avec des plumes de corbeau sur la tête, c’est qu’on est super morbides parce qu’on aime faire pitié jusqu’à en puer avec les clochards, comme des chats blessés que les filles rescapent jusqu’à les aimer. Ça réussit bien jusqu’à date : les chinois viennent nous poser le stade olympique à chaque année, ça me semble être les mêmes chinois avec les mêmes plis avec les mêmes drapeaux avec les mêmes accents avec les mêmes chinois. C’est parce qu’on parle pas chinois qu’on est incultes, mais les chinois parlent allemand. On en dit rien parce qu’avez-vous vu leurs chapeaux. Un triangle sur une tête, ça défie beaucoup de choses.

On a des enfants qui se piquent, on a des abeilles qui se bourrent de miel sucré : c’est pas supposé être le contraire. J’ai jamais vu une abeille se piquer, pourtant elles naissent avec ça dans le cul.

C’est la faute aux états-uniens si ça va mal. Ils sont plus nombreux à regarder dans les craques de leur store. Ils font des croquis de nous autres, au fusain, avec des télescopes européens, avec tout le talent qu’on leur connaît, même qu’ils ont des voiturettes de guerre pour se transporter.

C’est la faute aux états-uniens si ça va mal. Ils se laissent pas dominer par les chevreuils tout le temps, eux, c’est pas comme nos camionnettes. Faut dire qu’ils sont unis sous un seul nom. Ça fait des plus beaux croquis quand on signe tous pareils. Mais c’est leur faute si on fait rien que copier picasso et qu’on est poches en dessin. C’est la faute à pollock si on sait pas dessiner. C’est la faute à hemingway si on sait pas écrire.

C’est leur faute. On les appelle de temps en temps pour se vider, mais faut passer par ottawa pour qu’ils traduisent tout croche ce qu’on veut crier d’un coup. C’est qu’on parle en pleurant que c’est incompréhensible, pareil comme j’ai jamais entendu des téléphones qui grichaient pas. Mais que j’en ai déjà vus.

Mon québec c’est une réglisse molle, rouge ou noire on s’en fout pour autant qu’elle se plie; c’est que je le redis que ça me vide le cœur, c’est comme la reine quand elle va crever, un clou de plus dans le cercueil du deuil; d’inverser tout ça jusqu’aux saisons, de dire que mon hiver, ce-n’est-pas-un-hiver, c’t’un pays, c’est comme ceux qui écrivent réussiront jamais à nous évader.

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