10 février 2014

Viviane

Et tu n’as jamais dit que j’étais inutile, île tu ne m’as jamais dit l’océan autour de moi me sépare de moi, et je t’avais dit Viviane ne me sépare pas, Viviane ramène-moi ailleurs et on verra si la suite nous devance ou si le passé trappe nos mains, on verra si encore c’est possible que l’odeur du ciel soit un baume sur mes ah non j’ai peur de ne pas être à la hauteur ou si le ciel n’est bon qu’à tomber sur nous comme un voile noir, les draps pis ces affaires-là, les fourmis qui nous grimpent sur les pieds et les enfants qui nous martèlent le nid bien mâché de draps que j’avais construits la première fois que tu m’avais demandé si c’était là que tu dormirais; le sommeil arrivé comme un paysage qu’on ne regarde pas, on ne faisait pas attention aux arbres qui décochaient leurs bras de bois et tu t’es endormie comme si tes coups étaient à tenir, et moi comme si j’allais tenir le coup, nous deux séparés par un rien, j’ai rêvé à rien du tout ce que je suis, du tout ce que je sais rien naître, vivant dans la peur de te perdre comme si tu avais déjà existé il y a longtemps de ça à une époque où nous nous serions tués mais que nous aurions oublié que nous étions nous, je m’avouais au point d’en perdre les premiers gestes de ma marche, de ma parole, ces affaires-là qui s’effacent au rythme qu’on grandit, et tout allait si vite que je me demandais si tu n’oublierais pas mon nom comme parfois dans les films ça nous échappe, comme un personnage qui ne nous revient pas, comme dans une scène tu ne pleures jamais mais que moi non plus je ne pleurais pas beaucoup.

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