Et tu n’as jamais dit que j’étais inutile, île tu ne m’as jamais dit
l’océan autour de moi me sépare de moi, et je t’avais dit Viviane ne me
sépare pas, Viviane ramène-moi ailleurs et on verra si la suite nous
devance ou si le passé trappe nos mains, on verra si encore c’est
possible que l’odeur du ciel soit un baume sur mes ah non j’ai peur de ne pas être à la hauteur
ou si le ciel n’est bon qu’à tomber sur nous comme un voile noir, les
draps pis ces affaires-là, les fourmis qui nous grimpent sur les pieds
et les enfants qui nous martèlent le nid bien mâché de draps que j’avais
construits la première fois que tu m’avais demandé si c’était là que tu
dormirais; le sommeil arrivé comme un paysage qu’on ne regarde pas, on
ne faisait pas attention aux arbres qui décochaient leurs bras de bois
et tu t’es endormie comme si tes coups étaient à tenir, et moi comme si
j’allais tenir le coup, nous deux séparés par un rien, j’ai rêvé à rien
du tout ce que je suis, du tout ce que je sais rien naître, vivant dans
la peur de te perdre comme si tu avais déjà existé il y a longtemps de
ça à une époque où nous nous serions tués mais que nous aurions oublié
que nous étions nous, je m’avouais au point d’en perdre les premiers
gestes de ma marche, de ma parole, ces affaires-là qui s’effacent au
rythme qu’on grandit, et tout allait si vite que je me demandais si tu
n’oublierais pas mon nom comme parfois dans les films ça nous échappe,
comme un personnage qui ne nous revient pas, comme dans une scène tu ne
pleures jamais mais que moi non plus je ne pleurais pas beaucoup.
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