8 décembre 2008

Carrés de terre





Les grands écrivains n’écrivent pas
Ils sont morts

Tomate

Petite verte naissante
Le soleil tape
Sur tes bourrelets
Brillants comme la lumière

Je t’ai versé de l’engrais
Tu as voulu de l’eau
Tu as courbé
Mouillée comme l’eau

J’ai eu peur de t’inonder
Si mon tuteur ne tenait pas

Le jaune a fait des picots
Sur tes pieds mous
Comme les vers de terre
Mous comme tes pieds

Tu as nagé
Presque noyée
Comme une petite nageuse
Rouge comme la couleur

Je me demande
Si je t’ai tuée

Les lilas parfument dehors
Leurs grappes roulent sur le vent

Je jardinais

Je n’écrivais pas
Je me mêlais
Mais la terre ne se mêlait pas

Je me fâchais
Comme d’autres tuaient des vaches

Je me détestais
Comme ceux qui me détestaient
Me détestaient

Mais un jour
J’ai tassé la neige
Et la lumière a été

Le soleil ne brûle pas les nuages
Il n’y a pas de nuages

Je me suis absenté

L’eau a glissé
Comme une goutte
Sur la peau d’une pomme

Chair blanche
Je garde le secret
De ta pelure douce

Tu n’es pas laide
Tu es belle

J’ai fermé l’escabeau
L’eau a coupé

Sur les traces d’une marche
J’ai couru
Je me suis coupé

Je saigne

Je ne suis pas un grand écrivain

Je tache ta peau
Je saigne encore

Nos corps se sont couverts
De mon sang
Du même sang

Je ne peux pas
Te caresser sans sang
Ni même
Te penser sans sang

Je ne t’aime pas
Je pense

Je ne veux plus penser
Et car l’écriture est pensée
Je ne veux plus écrire

Je joue dans les feuilles
Les feuilles
Tachées par la mort des feuilles

Je n’écris plus
Je contemple

Je n’écris pas
Je joue
Et dès lors que je joue
L’écriture se joue

Sur moi comme un cerceau

Elle tourne
Elle pleure
Comme un chien
Maigre devant son miroir

Je ne m’entends pas crier
Je ne m’écoute pas

Je retiens les mots
Je sais reconnaître

Ceux qui me sont venus
Ceux qui tardent à écrire

Une réplique
La terre et le vers

Les grands chevaux ne dorment pas
Ils sont debout

Je n’écris pas

J’écris peut-être
Parfois je n’écris pas

De la satisfaction d’un texte achevé
Je ne garde que le regret
D’avoir écrit

Et de n’avoir eu lieu qu’en dormant

Je ne rêve pas
Je m’émerveille

Je n’écris plus

J’invente la vie
Je prends soin

De ne pas écrire
De ne pas donner la mort

Car chaque fois que j’écris
Je néglige l’arrosoir

Chaque mot est une tomate morte

J’ai accepté de ne plus être dedans
J’ai accepté de me mettre sur

Tomate

J’ai vu ailleurs
Et tes bourrelets
Ne brillent plus

La lumière ne va plus

J’ai fermé les yeux

Les lilas ne parfument plus
Il n’y a pas de lilas

J’écris
Ce que j’ai répété
Mille fois dans le jardin

Je n’ai pas peur d’être entendu

Mais je n’ai pas besoin de carrés de terre
Pour me parler à moi-même

De même que je n’ai pas besoin de pages
Pour me prouver à moi-même

Je ne suis pas un grand écrivain
Mais je suis bien plus écrivain
Que mort

Je ne suis pas mort
J’écris



Les espaces se passent
Mais ton espace demeure

Le mien






2 commentaires:

Plume a dit...

Tu m'impressionnes.

Anonyme a dit...

Wow!!!!! :)
c'est magnifique

voila pourquoi.... :)