Les grands écrivains n’écrivent pas
Ils sont morts
Tomate
Petite verte naissante
Le soleil tape
Sur tes bourrelets
Brillants comme la lumière
Je t’ai versé de l’engrais
Tu as voulu de l’eau
Tu as courbé
Mouillée comme l’eau
J’ai eu peur de t’inonder
Si mon tuteur ne tenait pas
Le jaune a fait des picots
Sur tes pieds mous
Comme les vers de terre
Mous comme tes pieds
Tu as nagé
Presque noyée
Comme une petite nageuse
Rouge comme la couleur
Je me demande
Si je t’ai tuée
Les lilas parfument dehors
Leurs grappes roulent sur le vent
Je jardinais
Je n’écrivais pas
Je me mêlais
Mais la terre ne se mêlait pas
Je me fâchais
Comme d’autres tuaient des vaches
Je me détestais
Comme ceux qui me détestaient
Me détestaient
Mais un jour
J’ai tassé la neige
Et la lumière a été
Le soleil ne brûle pas les nuages
Il n’y a pas de nuages
Je me suis absenté
L’eau a glissé
Comme une goutte
Sur la peau d’une pomme
Chair blanche
Je garde le secret
De ta pelure douce
Tu n’es pas laide
Tu es belle
J’ai fermé l’escabeau
L’eau a coupé
Sur les traces d’une marche
J’ai couru
Je me suis coupé
Je saigne
Je ne suis pas un grand écrivain
Je tache ta peau
Je saigne encore
Nos corps se sont couverts
De mon sang
Du même sang
Je ne peux pas
Te caresser sans sang
Ni même
Te penser sans sang
Je ne t’aime pas
Je pense
Je ne veux plus penser
Et car l’écriture est pensée
Je ne veux plus écrire
Je joue dans les feuilles
Les feuilles
Tachées par la mort des feuilles
Je n’écris plus
Je contemple
Je n’écris pas
Je joue
Et dès lors que je joue
L’écriture se joue
Sur moi comme un cerceau
Elle tourne
Elle pleure
Comme un chien
Maigre devant son miroir
Je ne m’entends pas crier
Je ne m’écoute pas
Je retiens les mots
Je sais reconnaître
Ceux qui me sont venus
Ceux qui tardent à écrire
Une réplique
La terre et le vers
Les grands chevaux ne dorment pas
Ils sont debout
Je n’écris pas
J’écris peut-être
Parfois je n’écris pas
De la satisfaction d’un texte achevé
Je ne garde que le regret
D’avoir écrit
Et de n’avoir eu lieu qu’en dormant
Je ne rêve pas
Je m’émerveille
Je n’écris plus
J’invente la vie
Je prends soin
De ne pas écrire
De ne pas donner la mort
Car chaque fois que j’écris
Je néglige l’arrosoir
Chaque mot est une tomate morte
J’ai accepté de ne plus être dedans
J’ai accepté de me mettre sur
Tomate
J’ai vu ailleurs
Et tes bourrelets
Ne brillent plus
La lumière ne va plus
J’ai fermé les yeux
Les lilas ne parfument plus
Il n’y a pas de lilas
J’écris
Ce que j’ai répété
Mille fois dans le jardin
Je n’ai pas peur d’être entendu
Mais je n’ai pas besoin de carrés de terre
Pour me parler à moi-même
De même que je n’ai pas besoin de pages
Pour me prouver à moi-même
Je ne suis pas un grand écrivain
Mais je suis bien plus écrivain
Que mort
Je ne suis pas mort
J’écris
Les espaces se passent
Mais ton espace demeure
Le mien
2 commentaires:
Tu m'impressionnes.
Wow!!!!! :)
c'est magnifique
voila pourquoi.... :)
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