1 avril 2007

Tes draps vides à toi

Quelque chose se mêlait aux ligaments de ma parole…
Un énorme rocher roulait sur les parois de ma gorge…

Un énorme rocher traçait son chemin, de tout son poids, le bruit sourd du rocher, sur les parois de ma gorge, écrasait ma respiration jusqu’au sang de mes nerfs, jusqu’à la poussière de mes os.

Nostalgie.

J’avais dans la gorge une sorte de passé ravagé par le soir et le ciel tranché par l’horizon. Une sorte de fracture due à la chute de mes sentiments, du plus profond de ma naissance.

Une vague s’était détachée de mon passé, à l’horizon, destructrice dans le ciel, dans les fragments de la cime des arbres : le sentiment des morceaux de la lune, une lune en morceaux, des morceaux d’étoiles dispersés, les confettis de mon âme éparpillée sur les murs de l’appartement.

Les yeux avec les cernes déchirés jusqu’au menton, quelque chose à voir avec les morceaux invisibles, les doigts pleins de pouces; les doigts qui tombent, les doigts des marionnettes mal ficelées.

Ma gorge était un précipice sans fin, un énorme précipice aux lisses parois. Lisses comme les rochers dont les vagues s’occupent au bord de la mer.
.

Ma gorge était une flamme photographiée, arrêtée, attendant l’arrivée d’une respiration.
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Pour que Rachel sente le bruit du rocher, au fond de mes poumons, qu’elle le sente, de son roulement dans les cavernes de ma gorge…

Pour qu’elle me revienne en un morceau, avec le sourire, les longs soirs d’été, ses sourires qu’elle faisait remontrer jusqu’aux miens.

Ma gorge s’était agrandie en un gouffre plus profond, un océan vidé de son eau.

Le gouffre de panique, dehors, m’appelait. Quelque chose s’obstinait à tout ravager sur son passage, décidément, ne me laissant absolument rien, que le vide de quelques élans paranoïaques…

Mes oreilles chauffaient, brûlantes de quelque chose, attisées par un feu qui craignait tout de mon âme dissoute dans la mer, à l’horizon tranché par les arbres, à l’horizon…

J’avais l’esprit fort et l’âme fragile, le gouffre ouvert, à se demander à qui la victoire. À la force ou à la faiblesse… un gouffre dont le couloir d’accès était la gorge.

Draps vides. Dans le lit, tes draps vides à toi. Les draps paraissaient s’ennuyer de ton corps, partout, l’ennui de toi qui m’étourdissait, me chauffait les oreilles…

…jusqu’à l’ivresse de l’espoir qu’elle me revienne. Tôt ou tard…

Dans le noir de la solitude qui s’est échappé de ma mémoire, un parfum est sorti de son flacon, coulé dans mes draps nostalgiques, mouillé de ton odeur et de la mienne…

Et les draps se mouvaient par le sommeil, je dois avoir dormi longtemps, et les draps se retiraient sous mes orteils en une vague immense. Et les draps comme les montagnes dissoutes à l’horizon, tranchées par la mer et l’apocalypse, remontaient dans le creux de mon corps.

Le sommeil m’avalait, la gorge aussi grande que celle d’une baleine morte, j’entrais dans un gouffre dont je ne sortirais plus. Les flaques du parfum sur ma poitrine me transperçaient la gorge.

Les parois de ma gorge se sont brisées, éclatées par le gonflement de ton parfum.

Les flots m’ont emporté, loin du rivage…
Les flots ont fait de mon corps des miettes de poussières dans les draps...

Et je suivais les marrées de mes draps. Et je balançais dans le vide du sommeil, tantôt dans les coins profonds de la mer, tantôt jusqu’aux fragments de la lune.

Ma gorge continuait de tisser ses draps par-dessus le précipice du monde, des étoiles, de l’infini de l’horizon…
.

Dans l’espoir que tu me reviennes…
Dans l’espoir que je me revienne…
Le lendemain…

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Dans mes poumons, les restants du parfum de la veille. Des morceaux de draps dans les yeux, déchirés jusqu’au menton.

J’étais aveugle…

Dehors, le jour avalé par la nuit. Je croyais dormir encore. Et la lune est tombée entre mes mains, et mes doigts sont tombés d’une chute terriblement sombre.

Le jour ravagé par l’horizon, en face, et je sentais quelque chose s’approcher.

Et je sentais une énorme vague noire tomber du ciel, emportant les débris des étoiles; pour m’ouvrir la gorge, atteindre le précipice…

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Wow, ça me couple le souffle, je sentais tout ce que tu décrivais. J'en perds mon français.