10 avril 2007

L'Oiseau Ve Elle

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La complexité de cet oiseau qui s’envole par le ciel et remonte ses ailes sur l’horizon. La franchise avec laquelle il se déploie du violet des garçons vers le rose d’un soleil endormi, les ailes aussi longues que les nageoires des poissons. Énormes dans les océans.

L’insoupçonnable vérité de cet oiseau qui s’envole par les océans, les soirs d’été dans le jaune du ciel qui veille encore, tard. Les taches écarlates dérobées sous les pattes de cet oiseau. L’odeur de citron, mêlée à l’houblon d’un verre, cette odeur de paille sèche qui revient ramper jusqu’à terre.

L’incompréhensible sincérité de cet oiseau noir qui s’allonge, à plat ventre devant le soleil. Parmi les milliers de grains de sable dorés que Dieu a lancé sur l’horizon. Cet oiseau qui s’envole dans le rose d’un infini. Les yeux quasiment fermés.

Le mystère de cet oiseau qui bascule à son envol, lorsque le vent s’élève sous son ventre blanc et que disparaît le gris des nuages.

La grâce terrifiante des couleurs que cet oiseau éparpille sur les champs de maïs. Le flou avec lequel il étire ses contours noirs, pour obscurcir chaque explosion de jaune.

La délicatesse avec laquelle il éclate sur les courbes du vent. À l’ouest d’un orage qui se prépare.

Le sentiment de cet oiseau qui fuit les vagues des drapeaux noirs fichés dans les champs. Ce qu’il reste de jaune, à cet oiseau qui plane au-dessus des champs.

La fragile solitude de cet oiseau, devant les champs de son enfance, très loin. Son envol léger, mélancolique, au-dessus des masses de tourbe fraîche et de blé.

Le délire ardent de cet oiseau qui s’évade. Fuyant l’altitude de l’orage par d’étourdissantes couches de couleurs vives. D’énormes strates, déformées des nuages, qui défilent au rythme des ascensions de cet oiseau. L’orange des strates. Énormes dans le ciel.

Le chant vibrant de cet oiseau qui se dissipe dans l’angoisse. Son alarmante musique qui n’a jamais quitté la cime des arbres. La fanfare fiévreuse de ses pattes. L’orgue qui frôle ses ailes et les fait monter plus haut. Le piano qui glisse, derrière.

L’inexplicable couleur de cet oiseau noir dans la paille du ciel. Ce qu’il reste de l’ombre de sa silhouette dispersée, sur le jaune de l’ouest, alors que le violet recouvre l’est.

La force avec laquelle je crie à cet oiseau de ne pas partir. Le brun du ciel entre mes doigts. Quelques glaçons, au fond de ma gorge.

La force avec laquelle je crie à cet oiseau de revenir. Au violet de mon attente. Au sommeil ma peau.

La force avec laquelle je me plante dans ce champ. Enraciné dans le foin de mes bottes. Drapeau noir à la main. Près d’un marécage sur lequel le soir est tombé, vert foncé. Le bruit aigu des moustiques à la surface de l’eau.

La complexité de la vase dans laquelle je m’enfonce. La boue dans laquelle je crie à cet oiseau qu’il me revienne.

La boue dans laquelle je crie à cet oiseau qu’il me recolle les morceaux, de mes paysages violets. Que cet oiseau fasse tomber le vent. Qu’il fasse éclater le bleu de mon azur saccagé. De jaune et de noir.

L’évasion de cet oiseau, monté vers l’ocre de l’insomnie. La prunelle de ses yeux, juste avant que l’obscurité ne se resserre à l’horizon. Sa musique, d’une angoisse qui coule encore, sur les roches mouillées de ce champ. Plus haut pour que son amour se porte, des libellules jusqu’à moi.

L’amour complexe de cet oiseau qui s’envole par le futur de mon agonie. Le noir, sur l’immensité de l’horizon qui ne se perd pas. Les couleurs de cet oiseau que j’embrasse, avant que les terrains de mon enfance ne soient ravagés par le temps.

La complexité de cet oiseau qui retrouve les cris de mon enfance, sur les terrains que j’ai plongés dans l’infini du noir. Pour que nous ne fassions qu’un. Planté dans la nuit.

Les ailes noires de cet oiseau qui me reviennent, pour l’aplomb de l’univers.

Sous ses ailes, des étoiles pour lesquelles je m’évapore.
Énorme dans le ciel.

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