26 mai 2009

Mais nous

les seins tueront
les mecs à dames
et le macadam
tuera les bas seins

mais nous
rêves ronds
encore



la terre minera
de la mort fine
sur ces eaux-là
ces beaux de l’air

mais nous
lits ronds
nous encore

18 mai 2009

Le plein de rouge




Il y a ceux qui lisent pour écrire,
et il y a ceux qui écrivent...


Une lettre, j’écrivais bien. J’écrivais je croyais bien. Je croyais bien écrire bien. Mais je n’ai jamais su écrire O.K. une lettre. Pour elle. Et je veux écrire.


*** Début de l’histoire***


Je disais je n’ai jamais aimé la raison ; je me suis repris ; 
Je disais je n’ai jamais aimé lire la raison est que tous les auteurs ils sont cons.




- « Alors qu’est-ce que tu fais ici Jano » -

Je m’amuse de transcrire ce que parle la professeure devant moi et devant le tableau vert ses cheveux déguisés de couleurs. C’est hautain qu’elle me rabroue les oreilles jusqu’aux gencives et je vois. Je vois ses cheveux disparaissent.

II

Je disais les plus belles choses de la vie ne sont pas faites par les humains. Et la nature n’est pas un auteur. Alors les auteurs sont cons et laids.

- « Mais Jano tu écris » -

Je m’amuse de transcrire ce que parle la professeure et de rajouter à côté. Je n’écris pas. Je parle avec un crayon. Et je vois. Ses cheveux disparus derrière les épaules.

III

Je disais les plus laides choses de la vie sont faites par les humains. Et les auteurs ne sont pas la nature.

- « Jano faut que tu me dises ce que tu cherches ici » -

Ce que je cherche ici. Ici. Ce que je cherche ici comme la quête des jeux. Mais tantôt le jeu tantôt la vie. Mais je suis ailleurs...

MCLXI

Dans les champs de petit blé juste doux tout juste. Et le ciel en tornade gentille. Avec à peine. Charlotte... C’est là que je suis.

Elle court l’appareil photo parce qu’elle trouve ça beau. Et les oiseaux sortis tout droit des albums photos. Mais elle ne me regarde pas. Les allers-retours ne se font pas entre ses yeux et les miens. Ses yeux sont partis à une chasse. Ils m’oublient comme une lettre pleine de rouge et je crie les yeux. 

Je crie Charlotte. Elle retourne sur moi. Ses yeux revenus avec les fusils pleins de rouge. Je n’ai pas une place. Et ce que je cherche... Je n’ai pas une place.

IV

Je parle pour me faire entendre. Je parle en écrivant pas. Je parle en écrivant, pas pour me faire comprendre. Ceux qui comprennent ils sont cons. Ceux qui comprennent ils sont cons!

- « Mais pourquoi t’étudies en littérature » -

Comme une lettre pleine de fautes... Je me sens moi. Ce que je fais en littérature... La professeure qui écrit au tableau, elle écrit.

- « T’es rendu à la maîtrise Jano tes notes sont excellentes mais je comprends pas ce que tu fais ici » -

Vous m’énervez o.k. là pour mon souffle. Un peu pour la parole. VOUS M’ÉNERVEZ O.K. LÀ! VOUS M’ÉNERVEZ O.K. LÀ!

Vous m’énervez o.k. là je suis à la maîtrise je ne veux pas lire vos bouquins idiots qui comprennent tout mais qui ne comprennent rien parce qu’ils comprennent tout! Rien parce que c’est pas ça! 

Vous m’énervez o.k. là je suis à la maîtrise parce que j’ai écrit une lettre pleine de fautes et je veux qu’elle me lise! Elle ne lira jamais si c’est plein de rouge! Grosse conne! Je veux pas de rouge! Je veux pas de fautes! Je veux qu’elle m’aime! Alors tu effaces ton rouge! Tu effaces ton rouge! Ou sinon! Ou sinon!!! Ou sinon je fais comme le film avec l’au-dessus du nid et l’infirmière!!!

- « Jano calme-toi tu as passé l’âge de raison » -

Je ne me suis pas repris ; je n’ai jamais aimé la raison ; 
Et non je ne me suis pas repris ; Je n’ai jamais aimé l’âge et je n’ai jamais aimé la raison!

Je n’ai jamais aimé la raison et sinon! Et sinon!
Il faut arrêter de lire!
Il faut écouter parler!

Il faut arrêter de lire!

Écoutez parler!!!

4 mai 2009

Les castors

 

I

- Tu te souviens Jenny, oh tu étais petite comme ça! Pas plus haute que ça!

Ma mère pendant le dîner répète toujours les mêmes histoires. Pour pas oublier. Elle répète les histoires de vacances, de chalet, de bateau... Je trouve ça ennuyant de l’entendre mais aussi je me dis tant mieux. Si elle oublie pas, c’est tant mieux. Il faut jamais oublier...

- Tu te souviens Jenny?!

Je me souviens je m’appelle Jenny. Mais moi petite comme ça... Ça j’ai oublié. Quelqu’un m’a volé les souvenirs... Nos souvenirs.

II

Ma mère vit au passé. Elle rêve son passé et boit et parle, et parle et boit parce qu’elle rêve :

- Qu’est-ce qui se passe Jenny? Tu ne dis rien! Ohhh mais Jenny! Dis quelque chose! Lorsque tu étais petite!... Bon d’accord, j’arrête. C’est l’idée de retourner au chalet qui te met dans cet état?

Non. Je mange mon rôti. Je mange mon rôti...

III

- Jenny! Qu’est-ce qui se passe? Ton cellulaire était déchargé ou quoi? J’essaie de te rejoindre depuis une heure!

Mon père vit au présent. Et quand il rêve, je sais pas à quoi il rêve mais j’aimerais qu’il rêve à autre chose...

- Dis-moi Jenny, ça t’embête si Lolita vient au chalet ce week-end? J’aimerais tellement que tu lui parles un peu...

Pour lui dire quoi. Qu’elle a piqué la place de maman. Qu’à cause d’elle maintenant c’est fini le rôti avec toi papa qu’à cause d’elle tous les matins maman se réveille seule qu’à cause d’elle les photos sont bonnes à déchirer comme le passé déchiré.

Le passé s’est déchiré papa. Il est déchiré. Tout seul sur le canapé seul. Et il boit sa heineken.

IV

Moi quand je rêve. Je fais du canoë avec ma chère Lolita que je déteste la conne jointe à mon père et je donne le coup de rame pour la faire chavirer moi quand je rêve, ça réussit car elle se noie comme une outarde morte dans le lac et je ris quand je rêve, je ris quand je rêve... je ris à mort.

V

Les arbres de la forêt ont changé depuis que maman est loin du chalet. Ils ont craqué. Ils meurent. Ils pourrissent aidés par les castors. C’est bourré de gris. De branches sales détachées d’où elles étaient.

Moi j’adore les castors. Je crois qu’ils me veulent pour amie. Ils vont rasé la forêt. Du coup le chalet se retrouvera tout seul au milieu de clairières. Tout seul au milieu de plaines. Tout seul! Et papa aura bien de la peine d’avoir quitté maman. Il dira les arbres ont changé depuis que maman est loin du chalet... Eh oui il dira les arbres sont laids depuis que j’embrasse ma laide...

VI

- Jenny, les pommes de terre, ne les jette pas à la poubelle. Mets-les là-dedans. Dans le bol.

Mon père veut faire moins de déchets. Ses poubelles sont vides. Au chalet, il met tout dans un bol qu’il déverse près du sapin dehors. Et les ratons et les animaux viennent manger ses merdes. Ça débarrasse.

- Tu te plais ici Jenny? Tu vois, l’escalier là, j’aimerais la refaire en acier. C’est un projet... Mais j’ai tellement de trucs à faire au chalet...

Mon père, ça l’occupe de

- Lolita! Ah!

De... de crier Lolita ah...

VII

- Bonjour Jenny... dit Lolita...

Je me sens faible. Il manque une partie de moi. J’ai pas la force de transcrire ses mots... Pas la force de résister aux bisous. Tant pis. Je ferme les yeux. J’ai envie de vomir...

VIII

- Ah les cons! Ils ont rongé mes boulots!

Papa. Ses ratons sont venus bouffer les ordures près du sapin mais les castors ont accompagné. Mais les castors, ce sont les écorces. Les écorces et un peu plus loin.

Deux boulots. Deux boulots coupés par les dents de mes castors. C’est pas suffisant. Mais c’est un début.

IX

- Salut Marie salut Corie, j’ai parlé. J’ai dit salut mes deux soeurs que j’adore arrivées au chalet.

Ça m’a fait un repos. De voir des familières. Mes soeurs détestent Lolita au moins autant que moi. C’est une peste salope piqueuse laide dégueulasse. Pour maman. Mes soeurs sont arrivées au chalet. Ça va barder je me suis dit. Ça va barder et mes soeurs ont des idées. De la suite dans l’idée. Et Marie a beaucoup de suites.

X

Une hache. C’est la suite de l’idée.

Je marche derrière Corie. Marie devant. Elle tient la hache. Un boulot. Celui-là. On le frappe. Marie prend la hache comme un homme et je l’adore. Elle frappe comme sur Lolita mais c’est un boulot. Pour faire croire aux castors.

- On dira que c’est les castors qui ont coupé! dit Marie. Et papa verra que les arbres sont laids depuis Lolita!

Marie en est à la moitié du boulot quand papa crie les chéries.

- Mes chéries vous m’aidez pour le dîner?!

Mais nous on est occuper à couper les arbres. De vrais castors. Et après la coupe on fera le barrage. Barrage entre papa et Lolita. Elle y touchera pas. Les chambres sont à maman. Il y a le meuble de maman. Personne n’y met rien. Il y a les armoires de maman. Personne n’y met rien!

Papa sort du chalet. Ses chéries sont pas loin. Près d’un boulot. Un boulot qu’elles hachent. Près du boulot aussi, un castor j’assure.

Papa trouve Marie avec la hache. Marie avec le bâton tueur. Quand papa s’approche elle frappe. Avec sa suite d’idées. Flap. Crr.......

XI

Pourquoi la poitrine et la hache... La hache dans la poitrine sur le cou de papa... Marie avait des idées dans la suite... Sur le chalet.

C’est une histoire à oublier. Une histoire que je suis incapable d’oublier.

XII

Quelqu’un a volé les souvenirs. Nos souvenirs. La voleuse de souvenirs, c’est Lolita. Elle aura pris mes souvenirs et nous, on pouvait rien faire! Alors on lui a pris papa...

J’ai tout oublié du passé. Et du présent aussi. Le présent de papa ce présent-là de la hache. Le présent haché poitrine-cou sous l’arbre sans feuilles.

C’est les castors. C’est les castors qui ont coupé! Et les arbres sont laids depuis Lolita!

XIII

Le chalet s’est terminé. Il y a eu Lolita en pleurs fausses comme les crocodiles que j’en ai jamais vus. Elle a vite oublié le passé mort. Elle vit au présent. Elle oubliera papa.

Mais maman. Maman répète toujours les mêmes histoires au dîner. Chez maman c’est toujours pareil.

- Tu te souviens Jenny! Tu étais haute comme ça! Pas plus haute qu’une hache! La hache! Tu t’en souviens? Parle-moi je t’en prie!

Non. Je mange mon rôti...

1 mai 2009

De la morphine pour Marguerite


I

Georges travaille dans un hôpital. Il s’occupe des planchers. Il nettoie les vomissures. Il ramasse les dégâts. Parfois aussi, Georges s’occupe des patients. Mais il préfère les patientes. 

Il drague les blessées de la nuit. Il courtise les mourantes. C’est ce qui le garde en vie. Mais ça il ne l’avouera jamais. La seule chose que Georges est capable d’avouer, c’est qu’il n’est pas médecin. Il est infirmier. D’ailleurs c’est ce qu’il dit toujours. Quand les choses tournent mal, il s’en sauve en disant « je ne suis pas médecin ».

Georges tient une liste des patientes les plus jolies. Les premières sur sa liste sont les premières à être servies. Georges a toutes les clés de toutes les pharmacies : « dites-moi quelle pilule vous voulez, et si vous êtes jolie vous l’aurez. » 

- Morphine!

Marguerite. Cette blonde vient d’arriver à l’urgence en criant « morphine ». Déjà, Georges la place en tête de liste. La plus jolie de tous les étages. Cheveux secs comme la paille. Il aimerait vivre dans le confort de ce blond. Comme dans un nid d’oiseau.

Georges se place derrière elle. Les mains moites de l’infirmier tremblent sur les barreaux de la civière. Marguerite n’a pas encore vu l’homme soudé à ses barreaux, mais elle aime la façon dont il la fait avancer à toute vitesse dans les corridors de l’hôpital et cette douceur avec laquelle il la stationne près d’un rideau. Cela lui rappelle un manège étrange. Les promenades au parc avec son père.

Georges a tiré les deux rideaux de chaque côté de la civière. Il se tient maintenant devant Marguerite. D’un air curieux, elle observe les coutures et le vert pâle de sa chemise. Cela lui rappelle autre chose. Le visage blême de son père.

II

Georges ne parle pas. Il ne se rappelle plus comment draguer. Il n’a pas toute sa tête. Marguerite, charmée par son sourire niais, tente maladroitement d’engager la conversation : 

- As-tu le sida? As-tu déjà tué quelqu’un? Fumes-tu? 

Georges ne perçoit pas la maladresse. Il s’étonne de l’air intéressé de sa patiente. À ses yeux, elle est parfaite. Mais Georges n’est pas parfait. Il n'a qu'un seul défaut : 

- Oui je fume.

Marguerite se couche sur le ventre et cache son petit nez dans le creux de sa manche. La réponse lui a déplu. Georges, lui, n’a jamais pris la bonne habitude de demander « et toi » après avoir répondu à une question. Il ne le demande jamais. Il rajoute plutôt :

- Mais je fume pas beaucoup! Seulement quand j’ai bu du vin.

Georges ne dit pas toute la vérité. Depuis quelques temps, il a pris goût à la cigarette. C’est vrai, il ne fume qu’après avoir bu du vin. Mais pour fumer plus, il boit toujours plus. Matin midi soir. Chez lui comme au boulot.

Marguerite a enfoui sa tête dans l’oreiller. Elle murmure dans la taie :

- J’ai tellement mal au dos... Ça élance dix sur dix. As-tu des pilules de morphine? 

III

Georges n’a pas dormi de la nuit. Il est resté à l’hôpital pour travailler. Il n’a pris qu’une pause de trente minutes pendant laquelle il a mangé un morceau, bu un demi-litre de vin rouge et fumé dix cigarettes. 

Les collègues de Georges ne disent rien à propos de l’alcool qu’il boit sur les heures de travail. Il n’y a que Brigitte, une infirmière qui, chaque fois, menace de le dénoncer. Mais Georges sait bien que ce ne sont là que des menaces. Ces deux collègues se haïssent depuis toujours.

Georges sort de sa poche la liste des jolies patientes privilégiées : Judith, du troisième étage, attend ses nouveaux draps ; Frédérique n’a pas eu son petit déjeuner. Elles patienteront encore. Georges ne s’occupe plus que de Marguerite. 

Cette nuit, elle a quitté sa civière et les deux rideaux. Elle partage maintenant une « vraie chambre d’hôpital » avec Fernande, une vieille femme très laide. Celle-là demeurera toujours au bas de la liste de Georges. Si bas qu’elle n’y paraît même pas.

En fait, Georges est convaincu que la vieille fait semblant d’être malade. Et que c’est de faire semblant d’être malade qui la rend malade. Le soluté n’est pour elle qu’un outil indispensable pour que tous prennent sa maladie au sérieux. Et le médicament qu’elle prend tous les vingt minutes... c’est pour énerver.

IV

Tandis que Marguerite dort, Georges lave la nouvelle chambre de sa patiente préférée. Quand tout est propre, il repasse aux mêmes endroits simplement pour rester près d’elle. 

Vers sept heures, Georges apporte sur un chariot le petit déjeuner de Marguerite. Elle se réveille heureuse. Heureuse de recevoir le petit déjeuner au lit. Cela lui rappelle un matin où son père lui avait accordé la même attention.

Puis, comme si elle avait médité ces mots toute la nuit, elle lui pose une question de plus : 

- Et tu bois souvent du vin? 

Georges se défend immédiatement :

- Non pas souvent! Seulement quand je mange.

Encore là, il ne dit pas toute la vérité. Georges a bien pris goût à l’alcool. Et c’est vrai, il ne boit qu’en mangeant. Mais pour se donner des raisons de boire, il mange comme un porc. Beaucoup et à toute heure de la journée.

Avant chaque cigarette, Georges mange donc un morceau de fromage et boit un verre de vin. Et s’il fume un paquet par jour, il boit trois bouteilles et mange six camemberts.

- Et là je suis du pour une pause, dit Georges. Je vais manger un morceau!

V

Georges n’est pas rentré chez lui depuis l’arrivée de Marguerite. Il travaille sans arrêt. Il multiplie les pauses pendant lesquelles un fromage, une bouteille, un paquet. Et devant Marguerite, toujours ce sourire niais et les mots qui ne sortent pas. 

Tout ce que Georges sait faire, c’est donner la morphine que Marguerite demande. Et aussitôt qu’elle sort de l’engourdissement de la drogue, elle pose une nouvelle question :

- Et tu manges souvent? 

- Seulement quand je travaille beaucoup! répond Georges. Ces temps-ci ouais je travaille gros!

L’homme est agité. Il faut dire que pour manger toujours plus, Georges travaille toujours plus. Et pour travailler toujours plus et sans arrêt, il boit du café. Beaucoup de café.

- Et la morphine...?

VI

Une pause. Le pauvre amoureux a besoin d’une pause. Il avale son fromage, son vin, sa fumée. Deux cafés. Encore un verre de vin et trois cigarettes, et puis un morceau de fromage, et puis encore un peu de café. Un dernier verre de vin. C’est le dernier, et après cette cigarette je retourne travailler. Où est passé mon fromage?!

- Ma morphine!

VII

Georges cherche sa liste. Il l’a égarée dehors pendant sa pause. Il tente de se rappeler : Judith, son petit déjeuner ; Frédérique... vérifier la pression. Non ce n’est pas ça! De la morphine pour Marguerite! 

VIII

Georges s’est écroulé. Trop de fatigue. Trop de substances. Il se réveille sur une civière entre deux rideaux. Au-dessus de sa tête, le visage de Brigitte.

- Tu resteras pas ici longtemps, dit l’infirmière. Une place s’est libérée dans une chambre. La femme est morte cette nuit... On lave les draps.

Brigitte traîne la civière dans les corridors. Georges sait très bien où elle l’emmène. La chambre de Marguerite. 

- C’est étrange tu trouves pas, lui dit Brigitte, ici les plus moches partent toujours en premier!

- Quoi... Je pouvais rien faire de plus... répond-il à moitié endormi. Je suis pas médecin...

IX

Georges gagne le lit où la veille encore vivait Fernande. À sa droite, le visage de Marguerite. Jusqu’alors il ne l’avait vu que de haut. De ce nouveau point de vue, il la trouve encore plus belle. Enfin, Georges parvient à poser une question :

- ...Et toi? 

- Mon père est mort avant-hier... Il fumait beaucoup. Et du café pour travailler, travailler pour manger, manger pour boire, boire pour fumer! C’est la vie! Et ma morphine! Morphine!... Tu demandes pas ta morphine? 

- Je connais Brigitte. Elle viendra jamais me voir... Je suis pas sur « sa liste ». Elle va me laisser crever ici...

Georges demeurera toujours en bas de la liste de Brigitte. Si bas qu’il n’y paraît même pas.

- Ça coûte rien d’essayer, dit Marguerite. Mon amour...

Sur les lèvres de Georges réapparaît ce sourire niais. Il promet à Marguerite qu’il essaiera pour elle. Et c’est vrai. S’il avait obtenu de la morphine avant de mourir, il l’aurait offert à son amour.

Georges sort de sa poche un petit peigne rouge. Pour mieux paraître, il place joliment ses quelques cheveux sur le côté. Et même si personne ne répond à son appel, il crie.

- Morphine!