5 mars 2008

En travers de toi

Pas trop de poussières
Sont tombées dans l’appareil photo
Encore intact que je caresse
Du sépia de notre voyage



France, Italie, Espagne
La SNCF répliquait mes avances
Tes cheveux que j’écrivais
Je les écrivais en dessinant

Aux morts du Père La Chaise
Tu as murmuré l’espoir
D’y être nous aussi
Morts et regardés

Mais je ne regardais que les rues
Entre le Louvre et Porte de Bagnolet
Lavées par nos traces de souliers battus
Humides comme l’enfance

Quand Notre-Dame a dévoilé ses clôtures
Tes épaules se sont cachées
Sous ma veste de laine
Et je n’y voyais que moi



Tu pataugeais les cris étouffés
Que je t’attende
Que je te voie



Mais mes baisers sourds
Voulaient que je marche devant
Que je ne t’attende pas
Que je te couvre d’invisible

Souvent, dans les draps de l’auberge
Ta chrysalide du lendemain
Tu frissonnais d’amour en silence
Comme les poissons de la salle de bains

Moi, à la fenêtre, je réinventais le fleuve
Saint-Laurent en mieux imaginé
L’Arc de Triomphe en était le pont
Et moi, je me faisais un secret

Derrière, tu berçais le temps sur la Seine
Avec le vin des restaurants en étoiles
Repeintes par les fous
Pour moi, aux fleurs d’Orsée



Tu ne criais pas que tu étouffais
Mais je t’attendais
En secret, je te voyais



Quand les couleurs se sont éteintes
Tu as soupiré les bleus de Miro
Les derniers départs funiculaires
De moi, tu ne voyais que le dos

À la fenêtre, je te gardais de ma face
Pour réécrire le monde et le vivre
Il me fallait le temps
D’un secret inavouable

Un soir, dans l’allée en fleurs
Le réconfort des inconnues m’a trahi
J’ai souri à ta panique
Qui cherchait à s’étendre

Tu as voulu faire un tour
S’effriter sur le Rialto
Dans les douches des canaux
Je t’ai cachée sous les gondoles



Tu étouffais pour ne pas crier
Que je t’attende
Que je te voie



L’album s’effiloche en coins
Les photos se déchirent l’espace
Mais le sépia de ma tête ne casse pas
Il est ma demeure

À notre arrivée sur Montréal
Tu as senti le monde mort
Une mappemonde engluée
Par les mains collantes du passé

Une seule fois, je me suis montré
Face à la rencontre qui se passait
À ce tour d’Arles sur l’herbe
Je t’ai supplié

Même si tu ne cries pas que tu étouffes
Je t’attends quand même
Je te vois quand même...

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