10 octobre 2007

D'ailleurs

Ça a commencé par le sentiment d’être dans un rêve. Et ça arrive à tout le monde, de prendre les choses pour des cauchemars, les visages pour des monstres. Et ça arrive à tout le monde, de trouver le monde étrange et inquiétant. Surtout à dix-sept ans, quand on se découvre. Mes amis me paraissaient des illusions. D’ailleurs mes amis n’en étaient pas. Mon frère a bien été le seul en qui j’ai pu me retrouvé, vivant.

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J’ai voulu consulter les psychologues. Les médecins. Mes parents m’ont cru fou et ont dit non. Pas de consultation. Et ça arrive à tout le monde, de se faire traiter de fou alors qu’à l’intérieur, quelque chose se dessine. Surtout à vingt ans, quand on se découvre. Mes ambitions me rongeaient, l’art et la mort. D’ailleurs mes ambitions n’en étaient pas. Rachel a bien été la seule qui a cru en moi, par amour.

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Il y a eu ensuite les étourdissements. Le monde n’était plus simplement un cauchemar, c’étaient les démons qui me rendaient visite. Et ça arrive à tout le monde, de voir les démons et tout bascule. Surtout à vingt et un ans, quand on se découvre. La folie m’effrayait, et la peur que j’avais d’être ce fou, ce débile à la sortie du métro. D’ailleurs ma folie n’en était pas une. L’art a bien été le seul en qui j’ai cru, et le seul qui ait causé mes angoisses.

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Des prises de sang m’ont révélé une chose, et c’est que mon taux de fer est trop élevé. On ne sait jamais à quoi s’en tenir. Mon médecin vient de me téléphoner. Je dois faire d’autres prises de sang, plus poussées cette fois. Et la maladie se précise, et les médecins cherchent mieux. Ils atteindront le diagnostic terrible. Et ça arrive à tout le monde, de se faire dire que c’est fini, la vie simple et la liberté des enfants. Surtout à vingt-deux ans, quand on se découvre. Mon enfance s’en allait avec la mémoire qui riait de moi. D’ailleurs mon enfance n’en était pas une. Ma mère a bien été la seule qui m’ait donné le sein, me traitant d’enfant et pour le reste, j’étouffais de fausse assurance.

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Et s’il fallait que je meure, l’écriture ne s’en ira pas. Un jour, j’ai donné ma vie à l’art. Je ne reviens jamais sur mes dires à la manière des grands parleurs. Et ça arrive à tout le monde, de parler mais de ne rien faire. Surtout sur un lit de mort, quand on se découvre. Ma pulsion de vie m’arrive en pleine face. D’ailleurs ma vie en est une que je ne laisserai pas empoisonnée. La mort, c'est pour les cons et si je ne le suis pas, je respire le bonheur et j'avance. Rachel a bien été la seule à m’apprendre l’amour, et c’est la vie qui recommence, plus belle qu’elle ne l’a jamais été, je t'aime : les couleurs sont trop belles pour être peintes, mais trop laides pour te les offrir.

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