25 juillet 2016

La nappe

Les mots ne sont pas assez forts pour décrire ce fond, cet arrière-plan bleu comme le ciel à l’ombre, au-dessus duquel des dessins, de discrètes volutes blanches, se courbent une première fois, se rattachent ensuite à une spirale, et ça recommence comme un motif superbe, blanc sur bleu, valse en anses comme sous le trait d’une plume libre, on dirait une fumée de crayon blanc qui se cambre en bombements, des coudes qui se répètent, convexes, prennent des détours sans fin; ce fond bleu qui tombe sur les coins de la table, plus creux que la surface, et encore ces arabesques blanches qui reprennent le cycle, et récidivent, en boucles itératives, plus belles que tout ce que les mots ont inventé.
Je n’ai jamais vu d’aussi belle nappe.

Sale eau

C’était pas moi. C’est le bain qui a débordé. Ça a mouillé le mur. Plus que le mur, ça a pourri le plancher, les moulures, la commode, peut-être l’armoire . M ais l’armoire, je l’avais réparée. Elle s’ ouvrait comme un charme. Rappelle-toi. Après, le plafond, pourquoi ça a coulé, je sais pas ce que font les voisins d’en haut, peut-être la lessive. Q uand notre laveuse a débordé, tu te souviens, c’était pas moi. Je faisais une brassée avec tes vêtements à toi dedans. A près le débordement, j’ai coupé l’eau. Le plancher gondolé, je me suis dit qu’il faudrait le changer, alors j ’ai fait un trou dans la céramique de la cuisine parce que j e pensais la changer aussi, tant qu’à y être, vraiment, j ’y pensais . Mais pour l’évier de la cuisine, j’y étais pour rien : tu m’avais dit de faire la vaisselle. J’avais ouvert le robinet. Mais, oh surprise : personne pour le refermer. Après, si ça a inondé le frigo et qu’on a perdu la nourriture de la tablette du bas, et le garde-manger, les sacs de biscuits , on en mange presque jamais , ça va... Je sais que ça explique pas la chambre, le lit trempé, mais j’avais oublié de fermer la fenêtre - un orage, qui peut prédire ça? La pluie sur les draps, ça s’annonce pas. Je sais que ça excuse pas mon erreur d’avoir arrosé les plantes sur la table de chevet avec le boyau d’arrosage, ça a fait un petit dégât et la nuit n’a pas été agréable cette fois-là, mais je te jure, promis, que tout se passera bien à l’avenir... S’il te plaît, crois-moi : v iens me rejoindre sous la douche, ç a ira, ça ira...

Coccinelle

D’un mot une phrase me viendra.
Comme un insecte pris entre deux portes patio, une coccinelle condamnée à mourir sèche et affamée, mordue par des araignées qui s’ouvriront l’appétit devant mon tendre rouge pointillé noir , petite moi reclus là mangée, je n’aurai personne sur qui compter ma culpabilité; c’est chaque jour que les huit-patte s m’observeront me dessécher, et je n’ai pas grand-travail à redire, sinon à rester là, à attendre, pendue, accrochée quelque part dans l’ouvrage de me sortir de là. J ’a i vu des costauds de fourmis s’extirper , les pattes battantes, chercher la sortie avec un acharnement trop grand. Ils habitaient dans l’humide. M’en suis tenu loin.
 
L’espace entre cette vitre-là et cette vitre-là me convient. Je n’ai pas besoin de mieux . Mourir dans deux jours, peut-être trois, c’est en ma masse; j e fais mon ar t riche, et moi la pauvre. J’alterne. Rouge, noir. Noir, rouge. Sur ma pelure d’argent. Le jour où je n’en aurai plus, d e cette pelure ou de cet argent, mon or pensera le s autres côtés de mes portes patio, peut-être; si ça vaut la peine de ne plus bronzer , de me sortir une narine, si j’en ai, me respirer un souffle, me souffler quelque chose, peut-être une phrase. Et e ncore je dirai que si l ’argent ne m’a pas fait mourir, c’est qu’il m’aura rendu belle : regardez-moi ça quand le soleil se couche, le rouge de mes ailes de coccinelle , si ça reflète pas la lumière comme une belle spatule de cuisine! Aux humains, hé ho, j’ai une affaire à dire!
 
Que d ’un mot une phras e viendra;
 
Et que tout finira par tenir.

Le Buzz de la Batiscan

Au sommet des rochers, un barrage d’une centaine de mètres retenait la rivière d’échapper son courant sur les baigneurs qui se déridaient tout en bas, dans les aires lacustres et plates que la rivière laissait tomber sur le sable; une plage - on l’appelait plage lorsque l’eau de la rivière ne la submergeait pas - avait été aménagée au pied du barrage et des vacanciers y allaient pour prendre du temps ou en perdre, s’enduire de glaise ou faire des promenades d’après-dîner. Un sentiment de quiétude régnait pendant les pique-niques, on ne peut pas dire le contraire.
Le soir, à la brunante, on entendait « le buzz », un bruit clair que faisait le barrage au moment d’ouvrir les valves. Sous prétexte de contrôler son niveau d’eau, la rivière donnait alors son coup d’envoi : elle déferlait ses galons, inondait la plage, noyait ceux qui s’y reposaient encore, noyait assurément les sourds .
François n’était pas sourd. Il connaissait l’existence du buzz. Chaque été, depuis sa naissance, sa mère l’emmenai t se baigner dans la rivière. Ils campaient non loin de là, sur une dune rocheuse, à l’abri des mouvements de l’eau. Les clapotis n’avaient aucun secret pour lui , non plus le bruissement des arbres, ni la musique des oiseaux qui dérangeait son sommeil : pic-bois, merle, cardinal, oiseau moqueur... Il pouvait le s nommer , tous. Pour écourter ses promenades et retenir son envie d’ explorer autour , sa mère lui faisait craindre le buzz :
- François, ne t’approche pas de la rivière le soir. Si tu entends le buzz, reviens tout de suite.
-Sinon quoi?
- Sinon l’eau de la rivière monte.
- Et?
- Et tu meurs. Noyé. Frette-sec.
Lors de son dernier passage à La Batiscan, François devait avoir cinquante-trois ans. Il avait dû réserver seul le terrain de camping que sa mère préférait , celui tout près du barrage - elle était morte. I l passait des soirées à se rappeler l es saucisses que sa mère faisait cuire sur les tisons . Désormais, François les mangeait froides. Par on ne sait quel débridement, il avait réussi à prendre un poids qu’il ne pouvait plus souffrir. Il était gros, obèse , il se l’avouait, et les soirées qu’il passait près de la rivière à s’empiffrer de saucisses n’arrangeaient rien.
Le 18 juin 1941, à seize heures vingt, François portait un short bleu. Il prit la décision de visiter la rivière. Il savait que le buzz retentirait à seize heures trente , descendit quand même la côte jusqu’à la plage, s’avança dans l’eau, se plaça au centre de la rivière sur une pierre qui lui permettait de sortir la tête hors de l’eau. Il attendit le buzz.
Et le buzz vint. François se tourna un moment vers les arbres bordant la berge . En moins d’une minute, sa tête fut ravalée par l’eau qui descendait du barrage en une chute grandiose. Puis, l’eau passa. Le sable de la plage résorba l’excès. François sentit se s cheveux mouillés, son corps vivant, gros, mais vivant, et l’eau ruisseler sur ses seins - il n’était pas mort. Il nagea jusqu’au premier arbre, s’y accrocha, et à bout de souffle, s’adressa à La Batiscan : « Ton prochain buzz, fais -le plus fort... » Obèse et stupide, il tenta encore de se tuer pour rejoindre sa mère, au milieu de la rivière, mais il n’entendit jamais qu’elle se moquait de lui .

Viviane 2

Et sur tout ce que la vie peut mordre , t ordre de mal ou faire mal, du coeur ou de la poitrine, de l’angine ou des autres bibites, je pense à toi et aux jours où tu riais à ne m’en plus souvenir, me racontais la nuit, m e disais le jour, dansais l’ histoire dis-moi, encore si tu n’es pas morte tout de suite , s’ il y a une chance ; et sur tout ce que la vie t’a mordu, tordu de mal ou à t’en faire mal, ton coeur comme un petit pou, fragile à sauver ou à choisir, mes bras autour de ce que je te voulais de trop, sublimes tes yeux; et sur tout ce que la vie t’a été, ton coeur ne s’ arrêtait jamais, et je le sens encore sur mes oreilles le battement de tes éveils, pour la rime quand tu sortai s ébouriffée du lit comme de la ouate d’un oreiller , bourrue fée que je t’aime et que je le dis, le soleil nous bronzait l’esprit mais ne pointait jamais midi; et sur tout ce que la vie a fait battre ton coeur , le mien suivait, sans faute; et sans cesse sur ton nom je commet s la faute d’encrer mes mots...

La Légende de Samos

Samos, honoré par son statut de scientifique officiel, ne croyait pas aux légendes. Il avait aménagé son salon comme un laboratoire. De là, nous pouvions voir, entre son divan et la cuisine, tous les instruments nécessaires à l’observation moléculaire posés sur une grande table en bois de chêne. La science lui faisait un vrai métier et personne ne lui reprochait ses comportements solitaires lorsqu’il passait ses soirées au microscope. Quand sa mère mourut, Samos tomba en profonde dépression. Deux jours après, il reçut en cadeau, déposée au pas de sa porte, une rose blanche dont la tige avait été soigneusement enroulée dans un papier humide. Il se demanda de qui venait cette attention, et qui avait bien pu manifester un soudain sentiment après la disparition de sa mère; malgré l’absence de destinateur, la rose demeura pour lui le signe d’une réelle empathie pour le deuil qu’il s’efforçait de vivre, tantôt en pleurant mais n’en parlant pas, tantôt en parlant mais ne pleurant rien.
Tout comme l’aurait fait le propriétaire d’un nouvel animal de compagnie, il présenta son appartement à la rose fraîchement découverte : « Voici le salon, la cuisine. Il ne faut pas toucher au robinet. Il coule. Je déteste l’eau qui s’échappe. J’ai très peur des inondations. Je dois trouver un vase étanche . » Il n’hésita pas à retourner son appartement pour trouver un vase de choix; son choix s’arrêta sur cette sorte de cylindre gradué dont il s’était servi, il s’en souvenait, pour mesurer la quantité de sang qu’il avait perdu lors de sa dernière tentative de suicide survenue cinq ans plus tôt - triste souvenir qu’il semblait avoir laissé derrière. C’était un homme du présent : il versa l’eau à la moitié du cylindre, y plongea délicatement la tige de la rose blanche et la vit s’enguirlander de petite bulles. Samos se posta définitivement devant elle, sans plus bouger, même qu’il y resta longtemps, comme si plus rien ne l’intéressait ailleurs. La façon dont les bulles s’accrochaient à la tige de cette fleur plus que vivante, tout cela le magnifia, le convainquit d’abandonner la science au profit d’une nature nouvelle, pure. On frappa plus d’une fois à sa porte sans qu’il y eût de réponse. Le scientifique s’affairait à sa fleur. Une nuit, pris d’une panique fiévreuse, il hallucina des voix qui l’incitaient à sortir. Comme s’il en fut assez, une voix, à travers la porte, l’invita à sortir :
- Samos! Laisse ta fleur! Des roses blanches, il existe des champs qui en sont remplis!
Face aux voix, le réflexe de Samos fut d’isoler son appartement en tassant des serviettes sous les portes. Il boucha les fentes et retourna à ses observations. Il consacra des heures, des jours, à observer les pétales qui peu à peu se fanaient. Sa fleur mourait, mais jamais il n’accepta qu’ailleurs, dans les champs tel que l’avait proposé la voix, la même rose blanche eût existée. Lentement, sa fleur revêtit les habits de la mort. Le gris frisa les pétales. Samos attendit que de sa fleur la tige devînt molle et, encore qu’il fut là pour elle, quand la fleur ne tint qu’en une boulette grise au bout de ce qui sembla une ficelle, il réalisa sa solitude. Quand vint le temps de la jeter et que la tige craqua sous ses doigts, il eut le sentiment de mourir aussi. En refermant la palette de la poubelle, à cette voix qui tentait de se répéter encore en lui, il répondit : « Ce que je ne vois pas n’existe pas... »
Et personne ne sait s’il parlait de la fleur, de la voix, ou de sa mère.

L'éditeur n'est pas un lecteur

Imaginaire. Le mot vient du latin imago. Image. Peut-on écrire sans image? C’est assez rare. Même Richard Martineau y arrive. Écrire, c’est réinventer les images. Tout sujet qui écrit devient lui-même une image parlante. Et plus il tente de représenter une chose par écrit, plus cette chose devient elle aussi image, imaginaire. Quand on écrit, il n’est donc ni question de vérité, ni de vraisemblance, ni de crédibilité. Deux phrases :
1- « J’étais dans ma voiture. J’ai vu deux chiens qui se battaient. »
2- « J’étais dans ma voiture. Deux chiens se battaient. »
Certains lecteurs diront qu’ils préfèrent la première parce qu’elle est claire. Ils voient les deux chiens se battre dehors, près de la voiture. Très bien. D’autres diront qu’ils préfèrent la deuxième, celle qui ne dit pas où sont situés les chiens. Ils les imaginent dans la voiture en train de se battre, ou dans le coffre arrière, ou dans un parc, dehors. Ils choisissent la deuxième phrase parce qu’ils aiment la liberté avec laquelle ils peuvent décider de l’endroit où les chiens se battent. La première phrase fait référence à la vue - j’ai vu les deux chiens donc c’est vrai - tandis que la deuxième fait appel à l’imaginaire : deux chiens se battaient et j’y crois qu’ils aient été vus ou pas.
L’éditeur, prenons-le comme un troisième lecteur, devient alors une problématique. Son questionnement étonne. Incapable de choisir entre ces deux lectures, il refuse l’une et l’autre des phrases. Il les acceptera sous une condition : qu’à la fin du texte il devienne clair l’endroit où le narrateur a vu les chiens se battre. Pour l’éditeur, ce n'est pas crédible qu’un narrateur nous parle d’une bataille alors qu’il n’en était pas même proche. Le narrateur ne peut en aucun cas imaginer quelque chose qu’il n’a pas vue. S’il affirme que deux chiens se battaient, c’est qu’il doit les avoir vus.
Pourquoi un narrateur ne pourrait-il pas dire ce qu’il voit même s’il n’en a rien vu? Le lecteur est prêt à l’impossible. L’écrivain aussi. On l'aura compris : c’est l’éditeur qui bloque. L’éditeur n’est pas un lecteur, mais celui qui annule les lectures pour produire un texte qui ne plaira ni tout à fait au premier lecteur, ni tout à fait au deuxième. Et pendant ce temps, les auteurs lisent.

L'homme qui me bat

Ce soir, une gifle. Une seule. Ma tête tremble encore. Sa main n’était pas totalement ouverte. Ça avait plutôt la forme d’un poing. Gifle ou coup de poing, la question n’est pas là. C’est le métal de son bracelet qui m’a fendue. En dessous de l’oeil. Le bracelet qui m’a frappé dans le cerne que j’avais déjà violet.
J’avais passé l’après-midi avec mon petit Lucas. Je lui apprenais à pédaler dans la ruelle. Il se débrouillait. J’étais heureuse. Presque. Un oiseau chantait quelque chose. J’ai tourné la tête vers un arbre, un instant de trop. Derrière moi, Lucas criait : « Bobo! Maman bobo! » - Mon chéri! Relève-toi! Montre-moi ton genou. On ne va pas gaspiller un pansement pour ça. Ça va sécher. Le sang va sécher. Viens. Range ton vélo. On rentre à la maison. J’ai fait des macaronis. Des macaronis au fromage.
Et là, le père. Il arrivait. Derrière moi, avec son air plus grand que tout : « Mauvaise journée au bureau. » C’est ce qu’il a dit. En fait, c’était le signal. Il m’annonçait que ma soirée serait pire que sa journée. J’ai fait comme d’habitude : les macaronis, la bière au frigo, un peu de musique pour se dérider. Lucas faisait semblant d’écrire dans ses cahiers d’école. Il dessinait des monstres. On riait. On buvait, enivrés jusqu’à se piler sur les pieds. C’est quoi cette chanson? Un souvenir de 1995. Lucas monte se coucher. C’est le moment de sortir le sachet. Cocaïne. On se prête la paille. Ça dégénère. Il dit que je l’ai trompé en 1997. Je m’éloigne, il me retient. Je manque d’air. Il me tient à la gorge. Ma veste n’a pas de col. J’ai la peau du cou qui s’étire. La dernière ligne, on se la dispute. Elle revient à celui qui souffre le plus. C’est lui. Je ne peux rien dire de plus.
C’est lui qui travaille. Lui, le vingt dollars sur la table. Lui le pusher, lui le sachet. Plus qu’un poing, mieux qu’une cicatrice, c’est lui, mon envie de mordre. Mais je ne peux pas ouvrir la bouche. Sa main me retient. C’est lui, le dernier bonheur qui me reste.
Ce soir, une gifle. Rien qu’une. Je saigne. Rien de grave. Les mouchoirs en viennent à bout. Il me tuerait si je vidais la boîte de pansements. Il n’en reste qu’un. Lucas. Je le garde précieusement, au cas où quelque chose de grave arrivait demain. L’instinct de survie, c’est ça. Saigner sans guérir. Attendre que ça sèche. Souffrir sans mourir. Et se convaincre que nos blessures ne sont que des bobos d’enfant.

L'Iphone 6 d'un terroriste

Sur la butte, presque le calme, le chapeau de paille de l’autre qui gode au vent comme pour se moquer de moi, comme si mon âge n’était pas le sien, et mon envie de le tuer là, maintenant, tout de suite.
L’attente, c’est toujours ça. Attendre le bon filon. Le texto du patron sur mon Iphone 6. Attendre qu’on soit sûrs d’être prêts. Calibre 32 ou fusil à pompe. J’attends. J’ai mon arme. Ma bombe. Mon chargeur que je m’apprête à vider sur le chapeau de paille. Exploser la butte que j’ai en mire. Pas tous les jours qu’on meurt en kamikaze. J’ai tout, là. Musique, ça va. Mes écouteurs, je les ai payés. La pilule qu’on m’a donnée pour monter la butte, c’était gratuit, pour m’exploser par en-dedans. Le chapeau de paille, je vais le casser et c’est tout. Cow-boy, je vais lui en mettre deux dans le front!
Mon chargeur chargé. En quinze minutes, la pile de mon Iphone a descendu de moitié. Inquiétant. Mon pouce fait défiler les anciens messages. Rien de neuf. C’est mort. J’attends. Qu’est-ce qu’il fout, le patron? Toujours pas de nouvelles. Vingt heures pile. La tuerie, on s’était dit que c’était à dix-neuf heures cinquante-huit. Mes frères, avec leurs appareils androïdes, se sont déjà fait sauter. Pas la peine d’en parler, c’est sûr. Moi, je reste là, avec mon Iphone, l’arme pointée sur le chapeau de paille en haut de la butte. Je texte le patron, et ça ne fait aucun doute que j’ai pris la pilule qu’il m’a donnée :
- Chapeau de paille enmire, je letu et je me fait sauter mais dites mio le go.
Et là, mon Iphone m’a lâché. Pile à plat. Vingt heures deux. J’ai rangé mon arme et, avec l’accord de Dieu, j’ai pu apprendre à vivre avec le fait de vivre. Il reste que, chaque fois que je vois mes frères aux nouvelles, morts sans moi, je souhaite une chose : que l’Iphone 7 ait une meilleure autonomie.