18 janvier 2008

Et si les fleurs étaient roses?

Et si les fleurs étaient roses j’aurais les yeux aux larmes de ces vieilles racines qui m’ont vu naître dans le jardin de Verchères avec les mouches qui me volaient les ailes jusqu’à la poudre de mes yeux qui pleureraient, si les fleurs étaient roses, elles ne le sont plus dorénavant, je dois couler, plus creux que les cruches je dois couler, plus creux que les arrosoirs de ma mère qui me faisaient luire l’eau de ma peau si les fleurs étaient roses, aussi l’était ma peau, si je suis cet arbre qui se mutile les racines jusqu’au sable, je suis cette feuille qui t’écrit si les fleurs étaient roses, je pousserais des tiges au bout des doigts de ma mère pour qu’elle me reprenne le Verchères qu’il me reste, qu’elle me berce dans ses eaux de pluie suicidaire si les cordes sont de vieilles tiges mortes et qu’elle m’écoute dégoutter ce soir, écoute-moi dégoutter ce soir, je dégoutte en toi! le long de tes nerfs! je dégoutte sur tout ce que les hommes m’ont dégoutté! si les fleurs étaient roses, j’en aurait aux plantes de mes pieds noirs de papiers ratés si les fleurs étaient roses, ces feuilles ont des veines bleues qui les font souffrir si les fleurs étaient roses, cette feuille sur laquelle j’écrirais ne vivrait que par les veines bleues que je creuserais par les rivières qui coulent en chacun de mes mots si les fleurs étaient roses, ce papier saignerait d’encre bleue par ma faute si les cheveux sont de vieilles cordes mortes, si cette feuille était une rose, elle serait bleue, pourrie par ce que je dégoutte de trop sur l’amour et les veines de ma mère qui se plient encore, chaque jour un peu plus avant, la mort enfin, si ma mère était une rose, je serais le vase qui la contient; vase étrangement percé qui dégoutte d’eau sur la table et tue, encore, tue par le sang de mes petits doigts maigres…